La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France, jeudi 3 novembre, dans une affaire portée devant elle par une ressortissante française, née en 1971 et placée de ses 5 ans à ses 20 ans en famille d’accueil en Tarn-et-Garonne.
France L. s’était adressée à la juridiction du Conseil de l’Europe pour deux motifs principaux. D’une part, se disant victime d’abus sexuels au sein de sa famille d’accueil pendant treize ans, elle estimait n’avoir pas été protégée par l’aide sociale à l’enfance (ASE). D’autre part, issue d’une famille de confession musulmane, elle mettait en cause le rôle des services de l’ASE, qui n’ont pas fait respecter l’exigence de neutralité religieuse théoriquement requise pour les familles d’accueil, la sienne étant membre des Témoins de Jéhovah.
Ayant échoué à faire reconnaître par les juridictions nationales les manquements de l’Etat et du département, garants de la protection des mineurs confiés, France L. faisait enfin valoir qu’elle n’avait pas disposé d’un « recours effectif » permettant d’examiner la responsabilité de l’ASE, en raison d’une mauvaise application des règles de prescription.
Des faits prescrits
Dans son arrêt, la CEDH revient longuement sur le parcours de l’ancienne enfant placée et sur ses combats judiciaires. A l’âge de 5 ans, elle est donc confiée aux services d’aide sociale à l’enfance et placée dans une famille d’accueil. Elle y restera jusqu’à ses 20 ans, de 1976 à 1991.
De son arrivée à ses 17 ans, elle est victime de « violences sexuelles » et d’« atteintes à la pudeur » perpétrées par le père de sa famille d’accueil, dénoncera-t-elle en déposant plainte pour ces motifs des années plus tard, en 1999, auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Créteil. Avant cela, elle tente d’alerter son entourage à deux reprises au moins ; à l’âge de 14 ans, elle se confie à une membre des Témoins de Jéhovah, et une nouvelle fois à l’âge de 23 ans, auprès d’un responsable de la congrégation, ce qui donne lieu à une confrontation entre la jeune femme et le mis en cause, qui conteste.
En revanche, entendu par la police après le dépôt de plainte, ce dernier reconnaîtra partiellement les faits, en les minimisant. La plainte est classée sans suite en février 2000, les faits étant prescrits.
La jeune femme n’abandonne pas. Elle réitère en déposant une nouvelle plainte un an plus tard, avec constitution de partie civile. Le père de la famille d’accueil est mis en examen pour « viol sur mineur par personne ayant autorité », puis pour « agressions sexuelles par personne ayant autorité ». Mais, en raison des règles de prescription alors en vigueur, une ordonnance de non-lieu est finalement prononcée, en septembre 2003.
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