Karim Benzema est un footballeur de son temps. Depuis tout petit, il rêve du Ballon d’or. A 34 ans, l’attaquant du Real Madrid touche enfin du doigt cet objet de désir, remis en grande pompe lors d’une cérémonie au théâtre du Châtelet à Paris, lundi 17 octobre. « C’est une récompense individuelle mais, c’est aussi quelque chose de collectif, et c’est pour ça que, pour moi, c’est le Ballon d’or du peuple », a déclaré le joueur après avoir reçu le trophée des mains de Zinedine Zidane.
Quand d’autres ont déjà entamé un inexorable déclin au même âge, le Français arrive au sommet de son art. Jamais il n’a été si fort, si décisif que lors de cette dix-huitième saison professionnelle. En Ligue des champions, il a porté son équipe jusqu’au titre. Son cinquième, mais celui qui porte le plus sa griffe, avec ses quinze buts.
Tout au long d’un parcours cabossé, Benzema a incarné le refus de la défaite, même quand celle-ci était (souvent) promise à son équipe. Avec lui, le Ballon d’or termine encore sur la cheminée d’un attaquant, mais sa victoire marque une rupture avec Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, qui ont privatisé la récompense depuis 2008 (à l’exception de Luka Modric en 2018) dans un long duel d’ego et de statistiques.
Karim Benzema serait plutôt un génial oxymore : un buteur altruiste. Parfois, il lui a été reproché ce manque d’individualisme. Mais, en bon thuriféraire, Omar da Fonseca y voit sa rareté. « Karim sait tout faire. C’est un joueur complet et d’une telle complexité… Il n’a pas besoin d’être obnubilé par le but ou par le fait d’être une icône. Par son football, il séduit et convainc. Il est l’opposé du vendeur de fumée, du joueur qui surjoue, vante le commentateur, spécialiste de la Liga. Il joue avec le smoking et les chaussures brillantes… Il peut être au départ des actions, au milieu des actions et à leur conclusion. »
Deux carrières
Dans le fond, l’attaquant incarne une certaine tradition française, celle des précédents lauréats du Ballon d’or. A l’exception de Jean-Pierre Papin, buteur cartoonesque et instinctif (1991), les Raymond Kopa (1958), Michel Platini (1983, 1984 et 1985) et Zinédine Zidane (1998) sont des créateurs et des faiseurs de jeu tout en sensibilité.
Le natif de Bron, commune de la métropole lyonnaise, décrivait ainsi sa philosophie du football dans un entretien accordé, en 2019, à France Football : « Le jour où je ne verrai le foot que par les statistiques, je pense que j’arrêterai. Parce que j’aurai perdu ce truc en moi depuis tout petit. » A Madrid depuis 2009 – une éternité dans le football moderne –, il a connu deux carrières : la première au service de Cristiano Ronaldo et la seconde, à partir de 2018. Avec le départ du Portugais, l’équipier de luxe endosse enfin les habits du patron et change de dimension.
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