Les agents du ministère ont souri. Lorsqu’il est arrivé à Bercy, Gabriel Attal a diffusé sur l’intranet une vidéo de lui marchant d’un pas décidé dans la cour du bâtiment, face caméra, disant sa fierté et sa joie d’être là. Un enregistrement façon clip de campagne, sincère mais pas tellement dans le style passe-muraille de la maison. Bercy a ses codes, ses symboles à ne pas méconnaître. Comme ce célèbre bureau Empire réservé au ministre délégué au budget au cinquième étage de la « forteresse », vestige de l’époque bénie de la rue de Rivoli et où, d’après la légende, Jean-Jacques-Régis de Cambacérès signa le Code civil. Comme à ses précédents postes, Gabriel Attal a voulu le remplacer par celui de son père, décédé en 2015. Il en a vite été dissuadé. « Ce serait rogner des siècles d’histoire », l’a-t-on averti. Prudent, il a conservé le mobilier, et placé le meuble familial, plus modeste, contre la fenêtre. En se penchant, on aperçoit dessous l’hoverboard qu’il utilise parfois pour aller voir ses conseillers au bout du long couloir de l’hôtel des ministres. « ça me détend », dit-il.
Avoir été le plus jeune ministre sous la Ve République, cela donne envie de bien faire. A 33 ans, Gabriel Attal, qui s’apprête à défendre dans l’Hémicycle son premier budget, le sait : Bercy est une formidable rampe de lancement, les plus grands y sont passés. Il s’est d’ailleurs battu pour obtenir ce poste, également convoité par Clément Beaune, un ancien « techno » issu du budget. L’ancien élève de l’école alsacienne a bûché tout l’été les fiches préparées par son cabinet pour se mettre au niveau. Et pour les journées du patrimoine, il est venu deux jours entiers accueillir les « milliers de visiteurs » venus voir l’austère bâtiment gris. Il faut dire qu’un bon tiers des badauds étaient des agents du réseau venus voir la maison-mère. L’ancien porte-parole du gouvernement (de 2020 à 2022) dit vouloir « s’investir dans le dialogue social » d’un ministère qui a, plus que tous les autres, taillé dans ses effectifs depuis vingt ans, pour montrer l’exemple.
A l’aube du second quinquennat d’Emmanuel Macron, l’enjeu pour lui n’est pas seulement de se faire accepter par cette administration que l’on dit plus puissante que les politiques de passage. C’est aussi de parvenir à exister aux côtés de Bruno Le Maire, figure tutélaire des lieux, qui ne manque jamais une occasion de rappeler sa longévité comme ministre de l’économie – depuis 2017. Le binôme formé par Gabriel Attal et Jean-Michel Blanquer à l’éducation (2018-2020) n’avait pas fonctionné. Le jeune homme pressé parviendra-t-il à imposer sa marque, à l’ombre de celui qu’il appelle « Bruno », et dont il a loué la « continuité rassurante » lors de la passation des pouvoirs ? L’ancien candidat à la primaire de la droite en 2016 excelle dans l’art d’être omniprésent sans jamais dévier formellement du jeu collectif.
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