Qu’ils aient une fonction esthétique, sanitaire, écologique ou sociale, les espaces verts doivent faire partie intégrante des villes. Pour preuve, l’appétence des Français pour la nature : ils sont huit sur dix à estimer qu’il faudrait plus de végétal en ville, selon une étude de l’Union nationale des entreprises du paysage menée en 2019.
Entre les confinements et le développement des activités d’extérieur, ces dernières années ont vu la fonction sociale de ces espaces prendre de l’ampleur. « En aménageant des espaces verts, nous prenons en compte trois types de besoins : sociaux, économiques et environnementaux, explique Nicolas Laruelle, urbaniste à l’Institut Paris Région. La dimension environnementale ayant pris trop de place à une époque, nous avons besoin de rétablir l’équilibre. La convivialité et le lien social reprennent beaucoup d’importance ces dernières années. »
« La fonction sociale de la nature est liée à l’essence même de cette nature, explique Lise Bourdeau-Lepage, chercheuse au centre de recherche en géographie et aménagement, de l’université Jean-Moulin-Lyon-III. Elle permet un ralentissement, la notion du temps est différente. » Les espaces urbanisés sont aujourd’hui des environnements surchargés, pleins de stimuli, de nuisances et de pollution sonore. « Cette surcharge empêche d’entrer pleinement en interaction avec les autres, explique la géographe. Cela réduit l’altruisme et la prévenance envers autrui. » A l’inverse, la nature diminue le sentiment de solitude, fait baisser l’anxiété, favorise le rassemblement et la bienveillance. « De plus, elle ramène un niveau sonore agréable, ce qui permet de faire plus attention à l’autre », poursuit-elle.
Déjà en 2004, une étude canadienne démontrait que les espaces verts attiraient 90 % de personnes de plus que les espaces minéralisés et que, parmi elles, plus de 83 % s’y livraient à une activité sociale : bavarder, partager un repas ou un jeu… Mais la nature n’a pas toujours le même rôle selon les populations. « Nous savons que les femmes sont légèrement plus sensibles et favorables à la nature que les hommes », explique Lise Bourdeau-Lepage. La manière de créer du lien social varie également selon l’âge. « Les adolescents se retrouvent dans des parcs, car ils n’ont pas leur propre appartement, poursuit la chercheuse. Cette nature leur permet de faire groupe, à un âge où ils en ont le plus besoin. Les personnes âgées vont se promener, développer une routine dans les parcs, les buvettes des jardins, et vont tisser des relations sociales de cette manière. »
De nouveaux usages sociaux
Aujourd’hui, les usages sociaux des espaces verts évoluent. « Nous devons intégrer de nouvelles demandes, explique Nicolas Laruelle. Le travail de la terre, par exemple, comme les jardins partagés et l’agriculture urbaine, mais aussi le développement des pratiques sportives hors des murs, ou encore l’éducation à l’environnement par des écoles. Toutes ces activités sont porteuses de lien social. »
Mais tous les citadins ne sont pas égaux face à la nature. Plus encore que la proximité, la question de l’accessibilité des espaces verts est primordiale, selon Lise Bourdeau-Lepage. « Il peut y avoir un espace vert proche d’un quartier, mais, s’il est séparé par un grand axe routier ou peu accessible en transports en commun, les gens ne pourront pas en être usagers », explique-t-elle. Un critère s’impose en principe aux urbanistes : les habitants doivent avoir accès en moins de dix minutes à pied à un espace vert de plus d’un hectare. Ce qui n’est pas le cas pour 27 % des Franciliens.
La question de l’accessibilité est d’autant plus importante que la surface d’espaces verts par habitant en France est faible, en comparaison avec nombre de villes européennes. Aujourd’hui, selon l’Institut Paris Région, les cinquante plus grandes villes françaises comptent en moyenne un peu moins de 35 mètres carrés d’espaces verts par habitant. Sans surprise, Paris reste la mauvaise élève, avec moins de 6 mètres carrés. A titre de comparaison, d’après la plate-forme TravelBird, Bruxelles compte 19 mètres carrés d’espaces verts par habitant, Londres, 32 mètres carrés, quand Rome et Reykjavik grimpent respectivement à 166 mètres carrés et 410 mètres carrés.