Depuis le début de leur campagne interne pour la présidence du Rassemblement national (RN), Louis Aliot et Jordan Bardella affirmaient qu’il n’y avait pas une feuille de papier à cigarette entre leurs idées respectives. Voilà soudain un épais cigare cubain entre le président par intérim du RN et le maire de Perpignan, qui enjoint au parti d’extrême droite « d’ouvrir le chemin d’un “Bad Godesberg” à la française ».
Estimant pousser jusqu’au bout la logique de « dédiabolisation » qu’il a menée aux côtés de Marine Le Pen, Louis Aliot se réfère au congrès du Parti social-démocrate allemand qui, à Bad Godesberg, en 1959, a choisi de s’inscrire dans l’économie de marché et de rompre avec la lutte des classes pour parler au peuple tout entier.
« Bien d’autres étapes doivent être franchies et ces étapes nous obligent à prioriser nos actions pour rassembler une majorité », écrit Louis Aliot, dans une tribune à L’Opinion, parue jeudi 13 octobre. Cet objectif imposera selon lui « un dialogue ouvert aux autres et ouvert à d’autres », qui dans son esprit ne peuvent être les défenseurs d’une identité nationale figée ou les défenseurs de la théorie raciste du « grand remplacement », un thème « qui inquiète plus qu’il ne rassure et entraîne inexorablement à la défaite, voire à la violence aveugle ».
Un thème que, incidemment, Jordan Bardella tambourine lors de ses discours aux militants, en usant de toutes les périphrases possibles pour ne pas l’appeler « grand remplacement », expression bannie par Marine Le Pen.
« L’identité de la France évolue »
Autre phrase notable : Louis Aliot parle de « stopper l’immigration illégale » – et non l’immigration tout court. « A nous maintenant de couper le cordon d’une histoire tumultueuse et ambiguë qui permettra une fois pour toutes à notre mouvement d’arriver à sa pleine maturité en parlant aux Français de toutes origines et de toutes religions », écrit enfin l’ancien directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen.
Joignant le geste à la parole, Louis Aliot a décoré, jeudi 13 octobre, Serge et Beate Klarsfeld de la médaille de la ville de Perpignan. L’apparition du couple, incarnation de la traque d’anciens nazis et collaborateurs, aux côtés d’une figure du RN, est de son point de vue une « évolution majeure », la pose d’une brique supplémentaire dans la normalisation du parti, « grâce à Marine ». Il y a un an, dans une tribune au Monde publiée dans le contexte de la montée du phénomène Eric Zemmour, Serge Klarsfeld et son fils Arno appelaient « les juifs [à] se tenir à l’écart de l’extrême droite », famille politique dans laquelle ils situaient Eric Zemmour et Marine Le Pen.
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