in

En Iran, la télévision d’Etat piratée tandis que les manifestations contre le pouvoir entrent dans leur quatrième semaine

En Iran, la télévision d’Etat piratée tandis que les manifestations contre le pouvoir entrent dans leur quatrième semaine


Dans les rues de Téhéran, le 19 septembre 2022.

Les manifestations et rassemblements antigouvernementaux en Iran sont entrés dans leur quatrième semaine, avec de nouvelles protestations signalées, samedi 8 et dimanche 9 octobre, dans plusieurs universités de Téhéran et dans les régions à majorité kurde du nord du pays, d’où était originaire Mahsa Amini.

La mort de cette jeune femme de 22 ans, le 16 septembre après son arrestation par la police des mœurs pour un port de voile non réglementaire, a été l’étincelle qui a allumé la contestation. Depuis, les rassemblements quotidiens dans presque toutes les provinces du pays, contre le règlement vestimentaire religieux et plus largement contre le régime théocratique, sont sévèrement réprimés.

Capture d’écran du piratage de la chaîne de télévision d’Etat iranienne, samedi 8 octobre 2022, diffusée sur Twitter par le groupe Edalat-e Ali (« Justice d’Ali »).
Capture d’écran du piratage de la chaîne de télévision d’Etat iranienne, samedi 8 octobre 2022, diffusée sur Twitter par le groupe Edalat-e Ali (« Justice d’Ali »).

La chaîne de télévision d’Etat a par ailleurs été brièvement piratée samedi, pendant la retransmission d’une prise de parole du Guide suprême, Ali Khamenei. Une photographie de l’ayatollah entouré de flammes, est apparue pendant une quinzaine de minutes avec les phrases « Rejoins-nous et soulève-toi », « Le sang de notre jeunesse coule de tes griffes » ainsi qu’une chanson reprenant le slogan du soulèvement de la jeunesse iranienne, « Femme, vie, liberté ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Femme, vie, liberté », un slogan qui vient de loin

Samedi, des manifestations ont eu lieu dans les universités de Sharif et d’Azad, ainsi que dans plusieurs quartiers et dans le bazar de Téhéran, selon Associated Press. Le campus de Sharif, la plus importante université scientifique d’Iran, est fermé depuis de violents incidents entre étudiants et policiers le week-end dernier.

Une vidéo des manifestations à Téhéran, le 8 octobre, diffusée par un journaliste du Point.

« Les forces de police ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule dans des dizaines d’endroits à Téhéran », a confirmé l’agence officielle IRNA, sans plus de précisions, mais ajoutant que les manifestants « ont scandé des slogans et incendié et endommagé des biens publics, notamment un poste de police et des poubelles ». Un membre de la milice paramilitaire des bassidji a été tué samedi « après avoir été grièvement blessé à la tête à la suite d’une attaque armée d’une foule », rapporte IRNA.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Iran, une défiance croissante entre la population et le régime

« Nous attendons tous que quelque chose se passe, comme une bombe à retardement »

La province iranienne du Kurdistan, d’où était originaire Mahsa Amini, continue d’être l’un des épicentres des manifestations depuis quatre semaines. Selon le Kurdistan Human Rights Network, une ONG basée en France, des rassemblements ont eu lieu samedi dans la capitale, Sanandaj, et dans les villes de Javanrud, Kamyaran, Bukan et Mahabad, au cours desquels deux personnes ont été tuées et cinquante-sept autres arrêtées.

Sharo, une universitaire de 35 ans interrogée par Associated Press, décrit une situation « tendue et volatile » à Sanandaj. « Nous attendons tous que quelque chose se passe, comme une bombe à retardement », a-t-elle dit par Telegram à l’agence de presse, qui fait état d’une forte présence policière et d’une grève générale qui bloque partiellement la ville. L’agence officielle IRNA a annoncé la mort d’un membre des gardiens de la révolution, l’armée idéologique de la théocratie iranienne, dans les rues de la ville.

Selon Iran Human Rights (IHR), ONG basée à Oslo, au moins quatre-vingt-douze manifestants ont été tués et des centaines d’autres arrêtés depuis le 16 septembre. Le dernier bilan donné par les médias officiels iraniens remonte au 27 septembre, avec un bilan « d’une soixantaine » de morts. Quant aux policiers, membres des gardiens de la révolution ou de la milice des bassidji, le nombre de tués atteint quatorze, selon Téhéran. L’Etat iranien a également mis en place de sévères restrictions à l’accès à Internet pour contrôler ce qu’il appelle « des émeutes », notamment des blocages d’Instagram et de WhatsApp, ainsi qu’une surveillance des VPN.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Iran, la prise de conscience de la jeunesse : « C’est une génération qui n’accepte pas facilement ce qu’on lui dicte »

Le président iranien appelle les étudiants à être « vigilants »

Pendant que la contestation continuait dans certaines universités de Téhéran, le président iranien, Ebrahim Raïssi, était Al-Zahra, première université exclusivement féminine de l’Iran, pour démentir toute implication des forces de l’ordre dans la mort de Mahsa Amini. Selon un communiqué de la présidence iranienne, il a déclaré devant les étudiantes :

« L’ennemi pensait qu’il pouvait atteindre ses objectifs dans les universités, ignorant le fait que nos étudiants et professeurs sont vigilants et ne permettront pas aux faux rêves de l’ennemi de se réaliser. »

Selon un rapport médical rendu public le 7 octobre par les autorités iraniennes, la mort en détention de Mahsa Amini est liée à une maladie du cerveau et n’a pas été causée par des coups. Peu de temps après sa mort, son père avait pourtant assuré à l’agence FARS que sa fille était « en parfaite santé ».

Le Guide suprême, Ali Khamenei, était sorti du silence, le 3 octobre, pour dire que, selon lui, « ces émeutes et l’insécurité sont l’œuvre des Etats-Unis, du régime sioniste [Israël, selon le langage officiel de Téhéran], de leurs mercenaires et de certains Iraniens traîtres qui les ont aidés de l’étranger ».

Le Monde avec AP et AFP



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

TotalEnergies prêt à négocier dès octobre sur les salaires si les blocages cessent

TotalEnergies prêt à négocier dès octobre sur les salaires si les blocages cessent

Élisabeth Borne à Alger pour concrétiser la réconciliation – Jeune Afrique

Élisabeth Borne à Alger pour concrétiser la réconciliation – Jeune Afrique