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En Algérie, pour les militants des droits humains, l’exil ou la prison

En Algérie, pour les militants des droits humains, l’exil ou la prison


Saïd Salhi chez lui en Belgique, le 8 novembre 2022.

Même lui est parti. Lui qui a été de toutes les manifs, de toutes les marches, de toutes les luttes. Lui qui prenait le micro pour dénoncer le système, les arrestations perpétuelles de militants, les tortures en prison… Saïd Salhi, emblématique vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a fui son pays, sans bruit, le 23 juin. « Je n’avais jamais pensé quitter l’Algérie », souffle-t-il.

C’est dans un coin perdu de Belgique, entouré de noisetiers et de rosiers, qu’il a trouvé « la paix » avec son épouse et ses deux enfants (pour des questions de sécurité, les noms des villes où résident les témoins ne sont pas divulgués). Le quotidien y est enfin plus serein, mais « l’exil est un arrachement », déclare-t-il avec mélancolie. Ses filles n’ont pu prendre qu’un souvenir de leur vie passée au moment de dire au revoir à Béjaïa, la capitale de la Petite Kabylie. Des photos de famille pour l’une ; un jouet pour l’autre. Il s’agissait de ne pas éveiller la curiosité de la police aux frontières. Et de partir comme en vacances, une petite valise sous le bras.

Alors que, vendredi 11 novembre, l’Algérie passe son Examen périodique universel (EPU) au Conseil des droits de l’homme à Genève, où est évaluée la situation des Etats membres des Nations unies, les ONG algériennes dénoncent un recul sans précédent des libertés dans le pays. Saïd Salhi est le symbole de ce recul et d’« une saignée que vit l’Algérie en ce moment, reconnaît Hakim Addad, cofondateur du Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), qui a dû, lui aussi, quitter le pays pour la France, en décembre 2020. Journalistes, magistrats, avocats et militants des droits humains partent ou tentent de partir. La fermeture et la répression sont telles que plus rien n’est faisable sans risquer l’arrestation, alors nous nous exilons pour parler et agir d’ailleurs. »

« Il faut continuer le combat »

En Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, au Canada, en Espagne et en France, bien sûr. Avec un visa étudiant ou de tourisme, ou, faute de l’obtenir, en prenant un bateau pour rejoindre les côtes ibériques (selon Frontex, plus de 13 000 Algériens sont entrés illégalement en Espagne depuis le début de l’année). Selon l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), en 2021, 1 514 demandes d’asile ont été déposées par des ressortissants algériens, 139 ont reçu la protection. Sur les neuf premiers mois de 2022, 901 demandes d’asile ont été recensées.

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En Belgique, Saïd Salhi a, lui aussi, demandé l’asile et cette décision le tourmente. « L’asile n’a jamais été un projet. Parfois, je culpabilise. Par rapport à ma famille, à mes parents… Je me bats pour un pays, pour que mes filles puissent vivre chez elles et je le laisse derrière moi. Mais il faut continuer le combat », assure-t-il. A 51 ans, cet ancien urbaniste, figure de la LADDH, qu’il a rejointe en 2005, a été un promoteur infatigable du Hirak et une cheville ouvrière de l’organisation de la société civile autour de ce mouvement pacifique de protestation inédit qui a secoué l’Algérie à partir du 22 février 2019 et qui a mis fin au règne d’Abdelaziz Bouteflika. « Le seul mouvement après l’indépendance [en 1962] qui a unifié les Algériens », rappelle-t-il. Lorsqu’il en parle, on sent une nostalgie l’étreindre : « J’espère un jour retourner en Algérie si la situation s’améliore. Il y a toujours des miracles. Le Hirak n’en est-il pas un ? »

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