Le parti de l’ex-Premier ministre bulgare Boïko Borissov est arrivé en tête des législatives dimanche, selon des sondages de sortie des urnes, une première place qui ne lui garantit cependant pas un retour au pouvoir. Sa formation conservatrice Gerb a recueilli environ 25% des suffrages, devant « Continuons le changement » (CC) de son rival centriste Kiril Petkov (autour de 19%), selon les chiffres donnés par plusieurs instituts.
Quatrièmes législatives en un an et demi
C’est la quatrième fois en 18 mois que les Bulgares étaient appelés à élire leur Parlement – une période d’instabilité politique sans précédent depuis la fin du communisme en 1989. Ils l’ont fait sans conviction – le taux de participation est historiquement bas (25% à 16H00), comme en novembre 2021 – et dans un climat morose, à l’approche d’un hiver assombri par la flambée des prix et la guerre en Ukraine.
Si la corruption endémique occupait les débats des dernières élections législatives, l’insécurité économique a cette fois dominé la campagne, alors que l’inflation frôle les 20% dans ce pays des Balkans le plus pauvre de l’Union européenne. À l’ouverture des bureaux de vote à Sofia, Krasimira Velkova, économiste de 64 ans, confiait ses peurs. « Les gens s’inquiètent de l’inflation, du fait qu’un caddie coûte une fortune. La différence comparé à l’an dernier est vertigineuse », dit-elle. « Comment va-t-on traverser l’hiver, endurer le froid, payer nos factures ? », s’interroge la sexagénaire.
« C’est un moindre mal »
Fort de son expérience d’une décennie au pouvoir, Boïko Borissov, 63 ans, a promis tout au long de la campagne de vaincre « le chaos ». « Il faut des gens qui ont de la bouteille en ces temps troublés. Père Boïko, on peut lui reprocher des choses mais c’est un moindre mal », estime Bogomil Grouev, garagiste de 62 ans. Une autre électrice, Rada Mintcheva, dit apprécier le fait qu’il sait ménager à la fois les intérêts russes et occidentaux. « La guerre est tout près de chez nous, il vaut mieux ne provoquer personne », explique cette infirmière de 47 ans.
Mais l’image du colosse Borissov est ternie. Malmené à l’été 2020 par des manifestations massives contre la corruption, il est isolé au sein de la classe politique et risque d’avoir du mal à trouver un partenaire, soulignent les analystes. Dimanche, l’ex-dirigeant a de nouveau appelé les autres politiciens « à la raison », se disant ouvert à tous ceux qui défendent « la place de la Bulgarie dans l’UE et l’Otan ».
Un Parlement fragmenté
Son rival Kiril Petkov a d’ores et déjà refusé toute alliance avec celui qui incarne à ses yeux « le passé corrompu » de la Bulgarie. L’ancien entrepreneur de 42 ans formé à Harvard, qui a débarqué en 2021 sur la scène politique bulgare, a été renversé en juin dernier par une motion de censure, gouvernant sept mois au total. Prêt à poursuivre le travail, il avait exhorté les Bulgares à confirmer leur choix « d’une Bulgarie nouvelle, prospère ». Il n’aura pas été complètement entendu.
Avec ses deux alliés, les socialistes (11%) et Bulgarie démocratique (8%), « ils n’auront pas assez de députés pour former un gouvernement », analyse la directrice de l’institut Alpha Research, Boriana Dimitrova, interrogée par l’AFP. Elle prédit « de longues négociations » et ne se montre pas optimiste sur la perspective d’une coalition stable, tant le Parlement est « fragmenté ». Resterait la possibilité pour Gerb de s’allier avec le parti de la minorité turque MDL (de 12 à 14%), voire avec la formation Vazrajdane (Renaissance), ultra-nationaliste et proche du Kremlin (10%).
« Une coalition mathématiquement possible mais socialement inacceptable » du fait des fortes divergences entre ces trois forces, souligne Boriana Dimitrova. Il y a pourtant urgence, car ces crises en série bloquent les réformes, freinent la croissance et accélèrent l’exode des jeunes de ce pays qui a déjà perdu un dixième de sa population en une décennie.