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avec Didier Deschamps, le changement est un retour en arrière

avec Didier Deschamps, le changement est un retour en arrière


Séance d’entrainement de l’équipe de france, à Doha, le 19 novembre 2022.

L’expérimentation s’est étirée sur un peu plus d’un an. Autour d’une défense à trois assortie de deux joueurs de couloir, elle a laissé croire à une conversion sur le tard du sélectionneur français à un football plus offensif. Didier Deschamps est allé au bout de son idée, mais, à 54 ans et après une décennie à la tête des Bleus, on n’abandonne pas aussi facilement ses vieilles habitudes.

Avant de remettre son titre mondial en jeu à Doha, cette mégalopole anarchique qui, comme Las Vegas, a poussé au milieu du désert, « DD », désormais privé de son Ballon d’or Karim Benzema, n’est pas du genre à faire tapis. Avec trois victoires en huit matchs, les Bleus inquiètent en 2022. Leur patron a décidé de ne pas prendre trop de risques et de bâtir son onze de départ sur des fondations solidifiées.

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Quelques semaines avant le début de la Coupe du monde, il assurait en privé avoir choisi son système tactique. Entre les lignes, il fallait deviner un retour à une défense à quatre et un dispositif plus proche de son ADN d’entraîneur. Contre l’Australie, mardi 22 novembre, au stade Al-Janoub (à 20 heures), la France devrait commencer son tournoi en 4-4-3 ou 4-2-3-1.

Les chiffres varient, l’esprit reste. Didier Deschamps sent monter l’odeur des grandes compétitions et ne laisse plus de place au sentimentalisme. L’ex-Lensois Jonathan Clauss, joueur au profil rafraîchissant, a été le premier à en faire les frais au moment de la constitution de la liste des sélectionnés, sacrifié avec la défense à trois et les postes de « piston » sur les côtés.

« On n’était pas très solides »

Solidité et équilibre, ce retour aux fondamentaux ne surprend personne. D’autant plus que les Bleus, entre blessés et convalescents, ont beaucoup alimenté la rubrique santé ces derniers temps. Au point que « La Dèche » a certainement ressassé une célèbre formule de l’ancien président Jacques Chirac : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille. »

Les forfaits se sont en effet multipliés. Le dernier en date a eu lieu samedi lors d’un entraînement. Ménagé jusque-là à cause d’une gêne musculaire, Karim Benzema s’est blessé au quadriceps gauche. Son retrait de la liste a été acté tard dans la soirée. Les patrons du milieu de terrain, Paul Pogba et N’Golo Kanté, avaient été les premiers à renoncer bien en amont du Mondial. Presnel Kimpembe et le deuxième gardien, Mike Maignan, les ont imités. Mardi 15 novembre, lors du dernier entraînement à Clairefontaine, le jeune Christopher Nkunku s’était tordu le genou et avait laissé Randal Kolo Muani trouver un Tokyo-Doha en urgence pour le remplacer.

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Confronté à cette avalanche d’absents, le sélectionneur avait besoin de certitudes. Or le système à trois défenseurs ne lui en offrait pas assez, malgré les promesses des débuts. « C’est la décision du coach de jouer à quatre, nous sommes tous derrière lui. C’est la meilleure façon d’aller le plus loin possible, validait à l’AFP le défenseur Lucas Hernandez. Ces derniers temps, défensivement, on n’était pas très solides. Avec ce système, je pense qu’on le sera davantage. Il nous va bien, on a été champions du monde avec en 2018. »

Depuis le 7 septembre 2021, et une victoire contre la Finlande en éliminatoires du Mondial, les Bleus ont enchaîné treize rencontres de la même manière, en 3-4-1-2. Cette année-là, ils ont même remporté la Ligue des nations avec des victoires sur la Belgique et l’Espagne. En mars 2022, ils offrent un festival de buts contre l’Afrique du Sud (5-0). A l’époque, Deschamps assume alors le déséquilibre – longtemps un gros mot pour lui – de ce dispositif « pour créer plus de danger ».

Tâtonnement tactique

En Ligue des nations, le 7 octobre 2021, le déséquilibre avait pourtant failli emporter son équipe, menée 2-0 par des Belges pas loin, même, d’inscrire un troisième but. En seconde période, le talent du duo Benzema-Mbappé avait donné raison au sélectionneur et fait oublier les trous d’air du début. Passé l’effet de surprise et l’euphorie, les doutes tactiques sont apparus en juin face au Danemark (défaite 2-1), à la Croatie (défaite 1-0), et à l’Autriche (1-1), avant de se confirmer contre les Danois en septembre (défaite 2-0). Alors, le légendaire pragmatisme de Deschamps est revenu au galop.

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Mais le tâtonnement tactique n’est pas forcément de mauvais augure. Il fait aussi partie de la palette d’un entraîneur et des campagnes victorieuses. Lors des deux succès français en Coupe du monde – en 1998 et en 2018 –, les Bleus avaient commencé d’une manière avant de terminer d’une autre. En vieux copain de la victoire, Didier Deschamps l’a rappelé avant l’ouverture du Mondial : « Cela peut aller très vite. Si je prends l’exemple de 2018, certains ont commencé le premier match et n’ont pas joué le deuxième. L’équipe qui a joué le deuxième match est celle qui est allée au bout. Cela peut aussi évoluer plus tard, comme en 1998, à partir des quarts de finale. »

En 2018, déçu de certains de ses titulaires contre le même premier adversaire australien, il avait opté, dès la deuxième rencontre, face au Pérou, pour un passage d’un 4-3-3 à un 4-2-3-1 avec l’intégration, notamment, d’Olivier Giroud et de Blaise Matuidi. Adepte d’un milieu à trois joueurs au profil plus défensif, Aimé Jacquet avait, lui, commencé le Mondial 1998 avec deux éléments de ce type avant de revenir à son schéma de prédilection – à la demande de certains joueurs, dont… Didier Deschamps – à l’occasion d’un quart de finale épique face à l’Italie.

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Avant le premier match des Bleus au Mondial, Didier Deschamps garde, lui, le mauvais souvenir de la défaite en huitième de finale de l’Euro 2021 contre la Suisse. Contraint par les blessures, déjà, le sélectionneur avait abandonné le 4-3-3 utilisé lors des trois matchs de poule pour ce 3-4-1-2 bricolé avec des joueurs pas toujours à l’aise dans leur position du soir.

Cette élimination lui trotte encore dans l’esprit, et la manière encore bien davantage. Avec quatre défenseurs (après une première demi-heure catastrophique à trois), la France avait mené 3-1 avant de dilapider son avantage et de s’incliner aux tirs au but. « L’ADN de cette équipe, c’était la solidité. En l’espace de dix minutes, on l’a perdue, pour différentes raisons. Dès que tu fais moins, tu donnes la possibilité à l’adversaire d’en profiter », explique, avec le recul, un an et demi après, le sélectionneur.

A Doha, Deschamps avance encore avec son lot d’incertitudes, malgré ce retour à une orthodoxie tactique. A l’image de l’Euro 2016, où son équipe avait oscillé entre deux dispositifs (4-3-3 et 4-2-3-1) d’un match à l’autre avant d’adopter le second pour la demi-finale et la finale, le maître d’ouvrage des Bleus hésite avec son animation offensive. Deschamps peut toujours rendre un jugement de Salomon, modulant les deux systèmes, l’un en phase défensive, l’autre en phase offensive. Le forfait de « KB9 » (le surnom de Karim Benzema, composé de ses initiales et de son numéro de maillot) rebat les cartes, même s’il sera vraisemblablement remplacé poste pour poste par Olivier Giroud.

Plus que les débats tactiques, certains entraîneurs aiment à dire que c’est l’animation – c’est-à-dire les joueurs – qui fait la différence. Le double champion du monde le sait : « Sans le mental, l’état d’esprit et la détermination, c’est impossible de s’imposer à ce niveau. » A lui de retrouver son rôle préféré de meneur d’hommes, celui qui insuffle un sentiment d’invincibilité à ses joueurs. Orphelins de Karim Benzema, ses Bleus en ont plus besoin que jamais.

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