L’humiliation des autorités britanniques est complète. Après cinq jours de panique financière, provoquée par un budget britannique mal reçu, une première déclaration de la Banque d’Angleterre (Bank of England, BoE) sans effet, et un rappel à l’ordre du Fonds monétaire international (FMI), il a fallu sortir la grosse artillerie. Mercredi 28 septembre, la banque centrale britannique a annoncé qu’elle intervenait sur les marchés financiers en achetant « autant qu’il sera nécessaire » des obligations britanniques. « Si les dysfonctionnements du marché avaient continué ou empiré, il y aurait eu un risque réel pour la stabilité financière », explique-t-elle dans un communiqué.
L’intervention a eu l’effet escompté. Le marché obligataire s’est détendu, le taux des obligations d’Etat à dix ans passant de 4,6 % à 4 %. La livre sterling s’est stabilisée à 1,07 pour un dollar, légèrement au-dessus du plus bas niveau de son histoire de 1,035, atteint lundi.
Importantes réductions d’impôts
Le feu aux poudres a été mis par Kwasi Kwarteng, le nouveau chancelier de l’Echiquier, quand il a présenté le budget britannique vendredi 23 septembre. Il a annoncé les plus importantes réductions d’impôts depuis cinquante ans, à hauteur de 1,5 % de Produit intérieur brut. A cela s’ajoute un gel des factures de gaz et d’électricité, pour les ménages et les entreprises. « Cela va augmenter le déficit public à 7 % en 2023 », calcule l’agence de notation Scope Ratings. Mais M. Kwarteng n’a pas eu un mot pour expliquer comment il financerait cela, repoussant au 23 novembre la présentation complète du coût de son plan et de ses prévisions économiques.
« Ce budget était du n’importe quoi », assène Mathieu Savary,spécialiste en stratégie à BCA Research, une agence de conseils en investissements. Selon lui, se lancer dans des baisses d’impôts en pleine période d’inflation ne va faire qu’empirer la hausse des prix. « Cela fait six ans que le Royaume-Uni fait boulette sur boulette, depuis le Brexit, continue M. Savary. Aujourd’hui, les marchés n’ont pas confiance dans le Royaume-Uni, ils le considèrent comme moins crédible qu’avant. »
La Banque d’Angleterre va devoir augmenter son taux d’intérêt à un niveau plus élevé que prévu. Les marchés tablent aujourd’hui sur une hausse à… 6 %
Dans ce contexte, la présentation du budget a provoqué un premier mouvement d’inquiétude sur les marchés. Mais dimanche 25 septembre, au lieu d’essayer de rassurer, M. Kwarteng a choisi d’en rajouter, promettant lors d’une interview à la BBC que « d’autres [baisses d’impôts] sont à venir ». A la réouverture des marchés lundi, la sanction est tombée. La livre sterling est tombée au plus bas de son histoire multicentenaire face au dollar. Plus grave, le prix des obligations britanniques s’est envolé, s’approchant du niveau des obligations italiennes, qui sont pourtant elles-mêmes sous forte tension.
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