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La première fois qu’on a rencontré Lise, un homme était en train de lui crier qu’elle n’avait rien à faire en Afrique du Sud. Qu’elle ferait mieux de retourner « chez elle », au Zimbabwe. Autour, un attroupement s’était formé. Les regards étaient hostiles. Le groupe avait organisé une opération de « nettoyage » des étrangers dans le township d’Alexandra, à Johannesburg. Son nom : « Opération Dudula » – « pousser dehors », en zoulou. Lise ne s’était pas démontée. C’était en avril. Depuis, les choses n’ont fait qu’empirer.
Après l’avoir agressée devant des journalistes, les « gens de Dudula » sont revenus jeter le stock de son petit commerce à la poubelle. Au moins 300 euros de vêtements, une fortune dans le quartier. Et puis ils sont réapparus chaque matin pendant quinze jours pour fermer son magasin, à moins qu’elle ne leur donne de l’argent. Dans la rue, la majorité des commerçants étrangers ont cédé. Pas elle. Lise a fini par appeler la police et « les gens de Dudula » ont arrêté. Mais la commerçante vit dans la peur. Souvent, elle n’en dort pas la nuit. « Quand je monte dans un taxi maintenant, je ne dis plus rien jusqu’à ce que je descende », dit-elle. Elle craint d’être repérée à son accent.
Comme Lise, ils sont des centaines de milliers de Zimbabwéens à voir leur rêve sud-africain s’effondrer. Dans les années 2000, le pays leur a offert l’asile à tour de bras, alors que le Zimbabwe sombrait dans l’autoritarisme et le chaos économique. Leur terre natale ne s’est jamais relevée et le flux ne s’est jamais tari. Ils seraient entre 1,5 et 3 millions dans le pays aujourd’hui – personne ne sait vraiment. Beaucoup n’ont pas de papiers. Mais une chose est sûre : les Zimbabwéens constituent, de loin, la première communauté étrangère en Afrique du Sud. Et la première cible de ceux, de plus en plus nombreux, qui voudraient fermer les frontières de la première destination migratoire du continent africain.
Les Zimbabwéens sont accusés de prendre le travail des Sud-Africains et de nourrir la criminalité
Régulièrement secoué par des vagues de violences xénophobes depuis la fin des années 2000, le pays voit désormais le discours anti-étrangers prendre une dimension politique. Les Zimbabwéens, en particulier, sont accusés de « prendre le travail » des Sud-Africains – alors que 35 % de la population est au chômage – et de nourrir la criminalité. Sous pression, le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la chute de l’apartheid, adopte une politique migratoire de plus en plus dure. En première ligne, les Zimbabwéens vivent en sursis dans un pays qui ne veut plus d’eux.
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