Les relations entre la médecine de ville et l’État sont souvent conflictuelles. Ces derniers mois, les médecins libéraux ont été en première ligne dans leur conflit avec l’État, allant même jusqu’à tenir un piquet de grève. Malheureusement, le résultat de leur mobilisation n’a satisfait personne puisque les tarifs de consultation que leurs syndicats réclamaient sont restés lettre morte. De même pour le principe d’un « contrat d’engagement territorial », que l’Assurance-maladie défendait, liant des rémunérations plus importantes à des « contreparties », a finalement été rejeté, après avoir fait l’unanimité contre lui.
La séquence houleuse s’achève dans un quasi-statu quo. En effet, le « règlement arbitral », officialisé le 24 avril, deux mois après l’échec de la convention médicale, n’a vocation qu’à administrer provisoirement les conditions d’exercice de la profession, en attendant de nouvelles négociations.
Cette situation nourrit le sentiment d’impuissance à faire bouger les lignes alors que la situation des déserts médicaux s’aggrave. Au-delà de la pénurie médicale, le fonctionnement du système de santé de ville est difficile à faire évoluer en raison de son caractère mixte. Si la dépense de santé est « socialisée », autrement dit, publique, au bénéfice du patient remboursé par la Sécurité sociale, le médecin de ville n’est pas pour autant un fonctionnaire rémunéré par l’État. Il reste un libéral, maître de son activité, bien que celle-ci soit encadrée.
Le chef de l’État a souligné cette ambiguïté lors d’une visite à la maison de santé de Vendôme (Loir-et-Cher) le 25 avril. « Il n’y a pas de vrai libéralisme médical », a fait valoir Emmanuel Macron, en rappelant l’importance de la solidarité au cœur du modèle français, face à des médecins, sages-femmes et kinés pratiquant un exercice collectif. Cette solidarité est une « très bonne chose », a-t-il également soutenu, mais cela suppose des « mécanismes de responsabilité de chacun ».
Ce rappel à l’ordre ne surprend pas ceux qui connaissent l’histoire complexe de la relation entre les médecins et l’État. « Elle s’est forgée dans le conflit », explique l’économiste Nicolas Da Silva. De la charte de la médecine libérale en 1927, à la première convention nationale en 1971, en passant par l’avènement de la Sécurité sociale en 1945, les médecins se sont battus pour conserver une organisation libérale en s’opposant à l’immixtion d’un tiers entre eux et leurs patients.
Aujourd’hui, malgré la « socialisation » de la dépense de santé, les médecins de ville restent libéraux, maîtres de leur activité et notamment de leur tarification. Cette spécificité est souvent source de friction avec les pouvoirs publics, qui cherchent à encadrer davantage le secteur et imposer des contraintes supplémentaires aux professionnels de la santé, notamment en matière de quota et de répartition territoriale.
Ainsi, la relation complexe entre les médecins et l’État est la source de nombreux conflits, mais les deux parties peuvent également travailler ensemble pour améliorer le système de santé de ville et répondre aux besoins des patients. Il est important de trouver un équilibre entre le respect de l’autonomie des médecins de ville et la prise en compte des contraintes liées à la lourdeur de la dépense de santé.