Heureuses sont les start-up qui ont réussi à lever des centaines de millions d’euros au début de 2022 pour financer leur développement. Depuis au moins six mois, les tours de table sont de plus en plus durs à boucler et les montants, de moins en moins élevés. Quant à se tourner vers la Bourse, il ne faut pas y songer pour l’instant, tant les valeurs technologiques sont bousculées.
Cela n’empêche pas d’y penser. C’est tout l’enjeu de la réflexion menée par le gouvernement, qui a levé le voile, mercredi 23 novembre, sur de nouvelles mesures destinées à faciliter les introductions en Bourse des pépites tricolores. Il souhaite que celles-ci se fassent prioritairement au sein de l’indice Euronext Tech Leaders, créé cet été et dévolu aux entreprises innovantes du Vieux Continent. C’est dans le cadre d’un événement organisé par Euronext que Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique, a fait ses annonces.
« Depuis cinq ans, la France fait émerger des entreprises à très forte croissance, d’envergure européenne, sinon mondiale. Nous voulons qu’elles puissent poursuivre leur croissance en France, continuer à y recruter », plaide M. Barrot. Pour les plus valorisées, seule l’entrée en Bourse leur permettra de soutenir leur développement. En effet, les montants en jeu deviennent difficilement accessibles par les fonds privés.
Privilégier l’Europe pour la cotation
Le gouvernement s’est fixé un objectif d’une dizaine de nouvelles introductions en Bourse d’ici à 2025 de sociétés françaises de technologie, dont deux avec des valorisations supérieures à 5 milliards d’euros. Il entend leur paver le chemin afin qu’elles privilégient l’Europe pour leur cotation. « La fenêtre des introductions en Bourse s’est refermée, c’est pourquoi nous engageons ces chantiers aujourd’hui, pour que les conditions soient réunies quand la dynamique reprendra », admet le ministre délégué.
M. Barrot a donc annoncé plusieurs mesures pour faciliter cette évolution, notamment au niveau financier « Des moyens de la sphère publique, plus d’un milliard d’euros, sont mobilisables pour soutenir des introductions en Bourse », explique-t-il. Bpifrance et la Caisse des dépôts seront les bras armés de l’Etat dans cette opération.
Sur le plan réglementaire, Bercy va lancer une réflexion sur la possibilité d’émettre des actions à droits de vote multiples pour ces sociétés cotées, disposition qui permet aux fondateurs et aux actionnaires de conserver un minimum de contrôle. Des dispositifs d’accompagnement sont aussi prévus avec le soutien de la « mission French Tech », qui offre notamment une aide administrative.
« Convaincre les gros gestionnaires de fonds »
Le gouvernement a par ailleurs été associé à la rédaction d’un guide des bonnes pratiques visant à mobiliser les grands acteurs du marché – en particulier les institutionnels et autres grands gestionnaires – pour soutenir cette place européenne. « Il faut convaincre les gros gestionnaires de fonds, les faire évoluer sur leur rapport au risque et à la croissance », estime également Stéphane Boujnah, le patron d’Euronext.
Lui ne se fixe pas d’objectif quantitatif quant au nombre de sociétés appelées à être inscrites à l’indice Euronext Tech Leaders. Son but : effacer « une perception tronquée qui voudrait qu’il n’y a pas de Nasdaq européen ».
Sur cinq ans, l’évolution des valorisations des entreprises cotées aujourd’hui à l’indice Euronext Tech Leaders est très comparable, selon lui, à celles enregistrées au Nasdaq : + 86 % pour les premières, + 95 % pour les secondes. « Il nous faut continuer à coller le plus possible au Nasdaq, continuer à convaincre les investisseurs », ajoute M. Boujnah qui compte bien faire de la principale place boursière européenne un sérieux concurrent à la célèbre Bourse technologique américaine.