LETTRE DE VARSOVIE
A 73 ans, Jaroslaw Kaczynski dévoile-t-il enfin son vrai visage ? Omniprésent sur la scène politique polonaise depuis la fin des années 1980, chef d’orchestre des atteintes à l’Etat de droit et aux valeurs européennes depuis 2015, le leader populiste a toujours cultivé une importante part de mystère. Ses sorties publiques s’étaient faites aussi rares que peu spontanées, essentiellement des entretiens-fleuves accordés à des médias complaisants, servant de lignes directrices au parti conservateur Droit et justice (PiS), où il garde les pleins pouvoirs et le dernier mot.
Mais le chef de la majorité a entrepris depuis l’été une tournée afin de préparer la campagne des élections législatives de l’automne 2023. Pour remettre d’aplomb un parti usé par le pouvoir, l’objectif est de faire de la politique de proximité lors de rencontres en petits comités avec des militants triés sur le volet. Une occasion de dérouler ses sujets politiques phares de l’année à venir : l’Union européenne « hostile » à la Pologne, « l’impérialisme » allemand renaissant, l’opposition démocratique au service de puissances étrangères, l’intolérance face aux identités de genre.
Un sens de l’humour particulier
Par la seule volonté du chef, ces rencontres ont fini par prendre une forme atypique, se transformant en monologues décontractés, où le leader multiplie sans complexe les dérapages et développe un sens de l’humour particulier, qui suscite la gêne jusque dans son propre camp. Comme quand il a lancé, sourire en coin, le 6 novembre, en réponse à une question sur la faible natalité en Pologne, qu’elle était notamment due au fait que les jeunes Polonaises « s’en mettent plein le cou », c’est-à-dire boivent sans modération.
L’indignation a été immédiate. Et, pour l’opposition, une occasion rêvée de rappeler les multiples échecs de la politique nataliste du PiS, en dépit des généreuses prestations sociales mises en place. La gêne fut telle que M. Kaczynski a dû, fait rare, s’expliquer. Mais le mal était fait, d’autant plus que la citation dans son ensemble semblait tirée, sur le fond comme sur la forme, d’un mauvais sketch : « Rappelez-vous qu’un homme, pour devenir alcoolique, doit abuser de la boisson pendant en moyenne vingt ans (rires de la salle). Certains plus, d’autres moins, ça dépend des hommes (rires). Mais pour les femmes, il suffit de deux ans (rires). »
La risée d’Internet
Humour douteux, véritables mensonges ou simple bêtise, les sorties de M. Kaczynski sont devenues au fil des mois une mine de citations pour plaisantins et la risée d’Internet. Début octobre, il expliquait ainsi qu’avant l’arrivée du PiS au pouvoir les pauvres, affamés, ramassaient « des patates qui étaient destinées aux sangliers dans les forêts ». En juillet, il soutenait « qu’en Allemagne un euro ne vaut pas plus de 3 zlotys, (…) beaucoup moins qu’en Pologne, où il en vaut 4,50 ».
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