« C’est une hypocrisie absolue. » Ce DRH d’une entreprise de taille intermédiaire dans les services ne décolère pas lorsqu’il énumère les évolutions introduites par la loi du 2 août 2021 relative à la santé au travail. Suivi renforcé des salariés avec notamment la mise en place d’une visite de mi-carrière, accent mis sur la prévention, extension des missions des services de prévention et de santé au travail (SPST)… « Certaines de ces mesures sont intéressantes, mais on pratique la politique de l’autruche : on feint d’ignorer que ces services sont déjà totalement engorgés et ne parviennent plus à répondre aux besoins des entreprises. Alors leur donner des missions supplémentaires… »
Une récente étude de l’Association nationale des DRH (ANDRH) fait écho à ses propos : 67 % des services de ressources humaines (RH) disent pâtir du manque de médecins pour mettre en œuvre la nouvelle réforme de la santé au travail. Au-delà de cette dernière, il s’agit d’un problème bien connu des professionnels du secteur : la médecine du travail est en tension, faisant face à une diminution continue de ses effectifs. Des médecins retraités ou étrangers viennent renforcer les effectifs, mais cela suffit rarement à fluidifier le fonctionnement des services de prévention et de santé au travail.
Le phénomène touche tout particulièrement les territoires les moins peuplés, avec des tensions importantes identifiées notamment dans le Sud-Ouest. Ce qui n’exclut pas des difficultés en Ile-de-France, comme le souligne Bérangère Benon, DRH de l’opérateur Internet Claranet France. « A Rennes, où nous avons notre siège, nous parvenons à obtenir des rendez-vous pour des retours de salariés après une longue absence ou un congé de maternité. C’est totalement différent à Paris, où il s’agit d’une vraie bataille pour avoir des places ! » « On retrouve également une inégalité d’accès à la médecine du travail en fonction du type d’entreprise, ajoute Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’ANDRH. Les problèmes sont surtout rencontrés par les PME et les TPE. Les grands groupes sont épargnés : ils ont constitué leurs propres services de santé au travail autonome, en interne. »
« Nous sommes à cran »
Les visites et rendez-vous obligatoires après une interruption de travail constituent le principal point de crispation des entreprises concernées. « Certains sont refusés faute de place, c’est une vraie préoccupation, explique Mme Breton-Kueny. En tant que DRH, nous avons des obligations légales liées au code du travail, nous assurer, par exemple, qu’il y ait une visite de reprise après un arrêt maladie de plus de soixante jours ou un retour de congé de maternité, sans oublier les visites de suivi des travailleurs exposés à des risques. Le sujet peut donc se déplacer sur le terrain juridique. »
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