La chaîne de magasins Club Piscine Super Fitness est récemment devenue la propriété d’une firme ontarienne et, fait étonnant, le Fonds de solidarité FTQ a prêté 20 millions $ à son acquéreur.
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Ce dernier est l’Ontarien VODA Backyard Leisure Group, qui regroupe deux autres entreprises canadiennes du secteur.
VODA appartient à un fonds ontarien géré par Fulcrum Capital Partners, une firme d’investissement établie à Toronto et à Vancouver.
Plus tôt cette année, le Fonds FTQ a discrètement prêté 20 millions $ à VODA et investi 6,5 millions $ dans le fonds de Fulcrum qui a mis la main sur la nouvelle société mère de Club Piscine.
« Il était temps qu’on passe à une autre étape dans notre croissance et ça passait par un changement d’actionnaires », explique au téléphone Marc Gentile, nouveau PDG du franchiseur.
La famille du fondateur vend
Jusque-là, Club Piscine appartenait à la famille de Robert Aumont, qui a fondé l’entreprise en 1991 et qui est mort en 2017, ainsi qu’à d’autres investisseurs.
Des Québécois demeurent actionnaires de Club Piscine, mais Fulcrum contrôle désormais l’entreprise grâce à sa participation majoritaire. Le groupe continuera d’être dirigé à partir du siège social de Bois-des-Filion, au nord de Laval, où travaillent environ 75 personnes.
« Club Piscine demeure québécois, assure M. Gentile. Les 26 franchisés [qui exploitent les 42 magasins de la chaîne], ce sont tous des Québécois. »
Pour Fulcrum, Club Piscine est une belle prise : le Québec est l’un des meilleurs marchés au monde pour ce qui est des piscines hors terre et des spas.
Paul Eldridge, associé chez Fulcrum, se montre rassurant. Selon lui, la transaction pourrait avoir du bon pour les consommateurs d’ici.
« Quand vous faites partie d’une plus grande entreprise, vous avez l’occasion d’offrir de meilleurs produits à de meilleurs prix », dit-il.
Pas d’acheteur québécois
La situation n’est pas idéale, reconnaît le Fonds FTQ, qui aurait préféré qu’un acheteur québécois se manifeste.
« Quand on a un partenaire comme Fulcrum, qui s’engage pour le Québec, et qu’on ne sait pas si un acheteur étranger pourrait montrer de l’intérêt… C’est certain qu’on privilégie des acheteurs québécois d’abord et avant tout. Mais quand il n’y en a pas et qu’on peut avoir un engagement [de maintenir les emplois au Québec], c’est une solution qui est gagnante pour les travailleurs de Club Piscine et les consommateurs québécois », affirme Patrick McQuilken, porte-parole du Fonds FTQ.
« Dans les règles qui s’appliquent au Fonds, c’est permis [d’investir dans une entreprise hors Québec] en autant qu’on est capables de faire la démonstration des retombées économiques au Québec », ajoute-t-il.
Même si Club Piscine s’attend à bénéficier de « synergies d’achat » en passant sous la houlette de VODA, il n’est pas question de larguer les fournisseurs québécois du détaillant.
« Nos spas viennent de Lachute, nos thermopompes viennent de Trois-Rivières et nos piscines viennent de Saint-Hyacinthe, souligne Marc Gentile. On ne va pas changer ça. […] Le client québécois aime le “fait au Québec”. »
CLUB PISCINE SUPER FITNESS
- Fondation : 1991
- Succursales : 42
- Salariés : plus de 2500
De plus en plus d’argent investi hors du Québec
Le Fonds de solidarité FTQ investit de plus en plus à l’extérieur du Québec, a constaté Le Journal.
Fondé en 1983 par Louis Laberge grâce à une loi du deuxième gouvernement péquiste de René Lévesque, le Fonds FTQ a pour mission d’investir dans le développement d’entreprises québécoises.
Mais depuis 2017, les sommes que l’institution investit dans des fonds ou des entreprises établis à l’extérieur du Québec ont bondi de 144 %, passant de 69 millions $ à 168 millions $ par année.
Aider des fonds québécois
C’est ainsi que le Fonds FTQ est devenu actionnaire de Wealthsimple, une firme financière de Toronto contrôlée par Power Corporation, et de WorkFusion, une entreprise de logiciels de New York.
Comment est-ce possible ? Ces entreprises comptent parmi leurs actionnaires des fonds québécois, soit W Investments dans le cas de Wealthsimple et Novacap dans le cas de WorkFusion.
C’est pour soutenir les gestionnaires d’actifs québécois, qui sont encore relativement peu nombreux, que le Fonds FTQ leur confie des sommes à investir – que ce soit au Québec ou à l’extérieur.
Retombées au Québec
Le Fonds FTQ a également le droit de placer de l’argent dans des fonds ou des entreprises de l’extérieur du Québec lorsqu’il a l’assurance que cela entraînera des retombées économiques dans la province – en contrats, en emplois ou autrement.
Par exemple, le Fonds FTQ a confié des sommes d’argent à des fonds de la firme californienne Versant Ventures qui investissent à leur tour dans des entreprises québécoises.
Et il est devenu actionnaire de la firme pharmaceutique vancouvéroise Zymeworks, qui effectue une partie de ses activités de recherche au Québec.
À la fin mai, le Fonds FTQ détenait pour 581 millions $ en placements dans des fonds et des entreprises hors Québec, soit 3,3 % de son actif net.
À cela, il faut ajouter les investissements boursiers et obligataires du Fonds, qui sont en bonne partie détenus dans des entités de l’extérieur du Québec.
À la fin mai, l’actif net du Fonds FTQ s’élevait à 17,4 milliards $.