Tout s’est noué dans la nuit du 1er au 2 octobre. Après avoir pensé qu’il parviendrait à reprendre la main, Paul-Henri Sandaogo Damiba a fini par comprendre que la partie était pliée. Plusieurs unités de l’armée avaient basculé dans le camp des putschistes et, surtout, ses adversaires avaient gagné le précieux soutien de la population : dans les rues de Ouagadougou, des milliers de manifestants étaient sortis appuyer la prise de pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré et de ses hommes.
Refusant de provoquer un bain de sang entre militaires, avec des civils pris entre deux feux, le président de la transition s’est résigné à quitter le pouvoir. Une décision d’autant plus dure à encaisser qu’il sait qu’il a été trahi par certains de ses plus proches collaborateurs. « Certains membres de son premier cercle ont comploté contre lui », affirme l’un de ses intimes. Parmi eux, l’un de ses deux aides de camp, qui s’affichera quelques jours plus tard aux côtés de ses tombeurs.
Logé dans une résidence d’État
Avant d’acter sa démission, Damiba pose ses conditions. Parmi celles-ci, la garantie de sa sécurité et de ses droits, ainsi que de ceux de ses proches. En parallèle, plusieurs chefs d’État de la région – l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Nigérien Mohamed Bazoum, le Togolais Faure Essozimna Gnassingbé et le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló, président en exercice de la Cedeao – s’activent et échangent avec Damiba. Objectif : lui trouver un point de chute hors du Burkina Faso.
Rapidement, le lieutenant-colonel Damiba songe à Lomé. Il s’y est rendu discrètement en visite les 19 et 20 août et entretient de bons rapports avec Faure Essozimna Gnassingbé. « Nous le connaissons bien, confirme une source officielle togolaise. Il est entré en contact avec nous durant la crise pour nous demander si nous pouvions l’accueillir. »
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Le chef de l’État togolais ne donne pas son accord immédiatement. Durant les quelques heures qui suivent, il sonde certains de ses pairs sur cette hypothèse, dont Embaló. Puis le feu vert est donné à Damiba : la piste d’un exil togolais est validée.
Reste à organiser son départ. Ce sera par un hélicoptère de l’armée de l’air burkinabè. L’appareil est piloté par les capitaines Ouedraogo et Diallo. À son bord se trouve également un technicien. Dans la matinée du dimanche 2 octobre, l’appareil décolle de la base aérienne de Ouagadougou. Destination : Niamtougou, dans le nord du Togo. De là, le président déchu rejoint Lomé à bord d’un avion.
Dans la capitale togolaise, il est logé dans une résidence d’État située dans le quartier huppé et sécurisé de la cité OUA, près du palais présidentiel. Ces résidences cossues et récentes, construites il y a quelques années, sont habituellement dévolues aux chefs d’État étrangers de passage au Togo.
Seul mais encadré
À peine arrivé, il enregistre une courte vidéo avec l’aide des autorités locales, qui sera diffusée le 3 octobre sur les réseaux sociaux. Dans cette première prise de parole publique, il annonce avoir, « en toute conscience et en pleine responsabilité », « renoncé » à ses fonctions de président de la transition.
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Damiba reçoit aussi la visite d’une délégation du ministère de la Sécurité, chargée de vérifier ses conditions d’hébergement. Sur place, le lieutenant-colonel vit seul. Ni sa compagne, ni ses enfants, ni ses aides de camp ne l’ont accompagné. Il bénéficie en revanche d’un personnel de maison et d’un dispositif de sécurité mis à sa disposition par les autorités togolaises.
Obligation de neutralité
Suivant toujours de près la situation au Burkina Faso, il continue à échanger par téléphone avec certains officiers et proches restés à Ouagadougou. À 41 ans, renversé huit mois seulement après être arrivé à la tête de l’État, rumine-t-il ses erreurs ?
À Lomé depuis trois semaines, Damiba s’est fait très discret et ne sort presque pas de sa villa. Comme souvent dans ce genre de cas, consigne lui a été passée de conserver une certaine neutralité. « Il respecte les conditions de son exil, à commencer par ne rien faire qui puisse déstabiliser les nouvelles autorités de son pays, avec lesquelles nous faisons en sorte qu’il renoue contact de manière apaisée », explique une source officielle togolaise.