L’annonce du retrait prochain de la France du traité sur la charte de l’énergie (TCE) doit, assurément, être saluée. Le processus de modernisation du traité, initié en 2017 et qui devrait s’achever le 22 novembre avec l’adoption d’un accord final lors de la prochaine conférence sur la Charte de l’énergie, ne pouvait rien changer au fait qu’il s’agit d’un accord anachronique dans le temps de l’urgence climatique.
Si le TCE ne couvre pas uniquement les investissements dans le domaine des énergies fossiles, c’est tout de même le cas pour plus de 60 % des opérations qui peuvent bénéficier de sa protection. S’il n’interdit pas, par principe, aux Etats d’adopter des mesures de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, il offre aux investisseurs un niveau de protection juridique exorbitant qui peut les placer en position de force face à un gouvernement qui refuserait l’octroi de nouveaux permis d’exploitation d’hydrocarbures ou qui déciderait de se retirer de son programme minier.
Parmi de nombreux contentieux qui illustrent ces potentialités, celui engagé en 2017 par Rockhopper contre l’Italie vient justement de se solder par la condamnation de l’Etat à verser à l’entreprise britannique une indemnisation de 190 millions d’euros à la suite de la décision du gouvernement d’interdire le développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers dans sa mer territoriale. Peut-être pire, la grande majorité des contentieux qui se sont développés ces dernières années, l’ont été dans le domaine des énergies renouvelables : l’Espagne, l’Italie, la Slovaquie ou encore la France, qui a enregistré en 2020 sa première plainte, engagée par l’entreprise allemande Encavis, sont poursuivis et parfois condamnés, après avoir modifié leur dispositif d’aide aux énergies renouvelables.
Risque contentieux
Le TCE compromet l’engagement des Etats au titre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 et de l’Accord de Paris de 2015. Non seulement il peut jouer en faveur des investissements dans les énergies fossiles, à la manière d’une assurance contre les risques financiers climatiques, ce qui ne les incitent pas à l’innovation et à la transition. Mais il limite aussi la marge de manœuvre dont les gouvernements ont besoin pour mettre en place des politiques climatiques efficaces et adaptées. En somme, il revient à faire du risque contentieux auquel sont exposés les Etats un paramètre, parfois dissuasif, de la faisabilité de la transition climatique. Le retrait de la France, annoncé quelques jours après celui de l’Espagne et des Pays-Bas, vient ainsi rectifier une anomalie.
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