Lorsqu’il entre dans le bureau de sa supérieure, début 2022, Antoine – il a requis l’anonymat – n’a qu’un seul souhait : que son contrat à durée déterminée (CDD) se transforme en contrat à durée indéterminée (CDI). Mais celle-ci dit avoir besoin de réfléchir. C’est finalement chez cet éducateur spécialisé en protection de l’enfance, à Annecy, que la réflexion fait son œuvre. Ses parents, âgés et éloignés, ont des soucis de santé et il souhaite passer du temps avec eux. Ne voyant pas son vœu professionnel exaucé, il envisage sa vie autrement. Lorsque sa cheffe revient vers lui deux mois plus tard avec, enfin, la proposition de CDI qu’il attendait tant, il refuse. « Je me suis rendu compte que j’avais envie de profiter des miens, et j’ai aussi été rattrapé par mon passé et une mauvaise expérience en CDI. » Retour à la case chômage.
Une situation dans le collimateur de certains députés et sénateurs. Dans le cadre du projet de loi ouvrant la voie à une réforme de l’assurance-chômage, qui doit être examiné en séance au Sénat, mardi 25 octobre, les élus de la commission des affaires sociales ont adopté un amendement des deux rapporteurs du texte, Frédérique Puissat (Les Républicains, Isère) et Olivier Henno (Union centriste, Nord), supprimant les allocations-chômage pour les salariés qui déclinent trois propositions de CDI en douze mois.
Une situation relativement rare. « Mais on va voir si on peut encore durcir les choses, en ramenant les refus à un seul CDI, par exemple », affirme Frédérique Puissat. A l’Assemblée nationale – où le texte a été adopté en première lecture, mardi 11 octobre –, la majorité a également plaidé pour un durcissement. Des députés Horizons et MoDem ont souhaité empêcher un salarié en CDD refusant un CDI de même nature de toucher des indemnités. Leurs amendements n’ont pas été retenus, mais le sujet devrait toutefois faire l’objet d’un groupe de travail parlementaire prochainement.
« Rester disponible et ouverte »
Si les élus disent s’appuyer sur les nombreux retours de chefs d’entreprise, le phénomène n’a encore jamais été quantifié. Et s’il divise droite et gauche politiquement, c’est aussi parce qu’il pose une question bien plus large sur l’évolution du rapport au travail. Alors que le CDI reste encore souvent considéré comme le « Graal », et qu’il représente toujours le modèle dominant – en 2021, 73,7 % des personnes en emploi étaient en CDI ou fonctionnaires, selon l’Insee –, ils sont nombreux désormais à refuser ce type de contrats, comme le reflètent les résultats d’un appel à témoignages lancé sur le site du Monde.
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