Si l’inflation persiste, investissez dans une vache. Non seulement elle ne perdra pas de sa valeur, contrairement à l’argent de votre compte courant, mais elle peut aussi offrir des rendements intéressants en se reproduisant. L’hebdomadaire The Economist nous apprend que la compagnie Nhaka Life Assurance, au Zimbabwe, a eu l’idée de ce placement résistant à l’inflation. Celle-ci y est si élevée que les investissements ne peuvent pas être libellés en monnaie locale, sinon ils ne vaudraient rapidement plus rien. Les épargnants investissent donc dans des « parts de vache », élevées à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, Harare.
Alors que l’inflation est devenue la principale menace sur l’économie mondiale, le Zimbabwe est un pays riche d’enseignements. Même si sa situation politique et économique est singulière, il nous rappelle que, dans les nations en développement, l’inflation peut vite conduire à la catastrophe sociale et humanitaire.
Au Zimbabwe, la descente aux enfers a été rapide. A l’été 2008, gravé dans la mémoire du pays comme un été maudit, les prix doublaient toutes les vingt-quatre heures, et l’inflation annuelle avait fini par atteindre les 231 000 000 % avant que le gouvernement ne cesse de publier les statistiques. Deux mois plus tard, en septembre, le Fonds monétaire international l’estimait à 500 000 000 000 %. On échangeait le pain contre des sacs de billets, les rayons des magasins se vidaient. L’inflation a réduit l’espérance de vie de douze ans et a fait des milliers de morts, à cause de la famine, des hôpitaux à l’arrêt et des pénuries de médicaments, sans parler de l’explosion de la pauvreté.
Monnaie maudite
Certes, les pays en développement n’en sont pas encore là. Mais ils sont plus fragiles que jamais, en raison de la hausse effrénée des taux d’intérêt américains, qui entraîne une sortie des capitaux et la dépréciation de leurs monnaies. Rien qu’en Afrique subsaharienne, dix-sept pays enregistrent depuis cet été une hausse des prix annuelle supérieure à deux chiffres.
En règle générale, l’inflation écorne le pouvoir d’achat, car les prix augmentent plus rapidement que les salaires et les consommateurs réduisent donc leurs dépenses. Au Zimbabwe, c’est tout le contraire. L’argent gagné est dépensé tout de suite, car il ne vaut plus rien quelques semaines plus tard. Si l’on veut se construire une maison, on achète les briques une par une, que l’on met de côté chaque mois, plutôt que d’économiser sur son compte.
La monnaie est tellement maudite qu’il faut s’en séparer au plus vite. L’épargne est impossible, les projets d’avenir comptent moins que le présent. L’inflation dérègle tout. Elle favorise même la corruption. Récemment, le gouvernement du pays a suspendu tous ses contrats avec ses fournisseurs parce que ces derniers gonflaient leurs factures, soi-disant pour anticiper l’inflation à venir. Sans doute un peu trop : les ordinateurs étaient vendus pour l’équivalent de 10 000 dollars américains.
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