Notre Bureau d’enquête se spécialise dans l’art de rétablir les faits. Tout au long de la campagne électorale, nos recherchistes vous présentent leurs trouvailles pour débusquer les déclarations surprenantes, douteuses ou carrément fausses des candidats, et vous permettre d’y voir plus clair.
L’ÉNONCÉ
Dans le débat de mardi dans la circonscription de Gouin, le candidat du Parti québécois, Vincent Delorme, s’est prononcé sur l’état de la langue française au Québec.
« Si vous ne saviez pas les statistiques, en cinq ans, le français au Québec est passé démographiquement de 77,1% à 74,8 % en cinq ans. À ce rythme-là, dans 20 ans, on est à 66 %, les deux tiers, et dans 50 ans on est à 50 % », a-t-il affirmé en répondant à une question du public.
LES FAITS
Le calcul fait pour prédire l’avenir de la langue est douteux. M. Delorme a effectué un produit croisé basé sur les données du recensement 2021 pour prédire quel sera l’état du français dans les prochaines années. Même si son calcul est exact, le fait d’utiliser cette méthode pour prédire l’avenir du français ne donne pas nécessairement un portrait représentatif de la réalité, croient deux experts contactés par l’Heure juste.
Selon le démographe Marc Termote, «extrapoler à long terme l’évolution observée sur une seule période n’est pas une méthode très scientifique de faire des prévisions». Il ajoute que plusieurs facteurs sont à prendre en compte lors de l’estimation du déclin du français dans la province, comme la fécondité et l’immigration internationale.
Richard Marcoux, directeur de l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone de l’Université Laval croit aussi que le calcul n’est pas viable. Selon lui, on ne peut utiliser des données des cinq dernières années pour faire des projections sur une période aussi longue que 50 ans.
De plus, le candidat utilise la langue maternelle comme indicateur. Or, selon Marc Termote, le meilleur indicateur est la langue parlée à la maison. «Celle-ci est presque toujours la langue parlée par les enfants, ce qui dans une perspective générationnelle, lorsqu’on fait des prévisions à long terme, est crucial ». À ce niveau, la proportion de Québécois qui parlent français à la maison est passée de 79 % à 77,5 % entre 2016 et 2021, d’après les données de Statistique Canada.
« Nos jeunes immigrants de la loi 101 sont de plus en plus bilingues ou trilingues », ajoute Richard Marcoux, en soulignant que ces gens peuvent avoir une maîtrise parfaite du français, tout en ayant une autre langue maternelle.
Pour M. Marcoux, d’autres indicateurs sont à prendre en compte, comme la langue parlée au travail. Les données du recensement 2021 sur le sujet seront publiées à la fin du mois de novembre. Il se fie également à la proportion des Québécois capables de tenir une conversation dans la langue de Molière, qui est passée de 94,5 % à 93,7 %.
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