Le groupe Viessmann, fondé en 1917 et spécialiste des systèmes de chauffage, a annoncé sa décision de vendre son cœur de métier à un concurrent américain, pour un montant estimé à 12 milliards d’euros. Cette vente stratégique est conçue pour aider à créer un « champion mondial des solutions intelligentes pour le climat et l’énergie ».
En outre-Rhin, cette annonce a provoqué l’émoi de certains responsables politiques qui déploraient la vente de cette entreprise innovante et traditionnelle à des mains étrangères faute de pouvoir s’adapter seule aux bouleversements en cours. L’événement survient peu après que Berlin a annoncé les contours de sa « transition chaleur », qui devrait permettre de faire baisser rapidement les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. A partir de l’année prochaine, aucun nouveau système de chauffage au gaz ou au fioul ne pourra être installé outre-Rhin et tout nouveau système de chauffage devra au moins fonctionner à 65 % à l’énergie renouvelable. D’ici 2030, 500 000 pompes à chaleur électriques et neutres en carbone arriveront chaque année dans les bâtiments allemands, subventionnées par l’Etat.
Viessmann, qui est le leader allemand de la pompe à chaleur, est incapable d’augmenter sa production suffisamment rapidement pour répondre à l’explosion de la demande à venir, car il réalise encore une grande partie de son chiffre d’affaires avec des systèmes de chauffage fossiles. Le risque est de laisser un boulevard aux géants asiatiques, comme Daikin, Samsung ou LG, capables de produire en grande quantité des systèmes de climatisation et de pompe à chaleur à des prix très compétitifs.
Viessmann a donc pris la décision radical de vendre 85 % de son activité à son concurrent américain Carrier, y compris la très lucrative spécialité pompes à chaleur. Cette alliance devrait permettre au groupe allemand d’augmenter sa production et de faire baisser ses prix. De son côté, l’américain Carrier espère pénétrer plus facilement le marché européen, considérant l’Allemagne comme un marché pionnier dans ce domaine. L’économiste Jens Südekum, professeur d’économie internationale à l’université de Düsseldorf, suppose que Carrier veut expérimenter le marché allemand pour déployer les pompes à chaleur aux États-Unis, avec l’aimable soutien de l’Inflation Reduction Act (IRA).
Cette vente est un tremblement de terre qui en dit long sur l’angoisse du « made in Germany » face à une concurrence asiatique de plus en plus menaçante. La vente de Viessmann va permettre de créer un leader mondial des solutions intelligentes pour le climat et l’énergie. Cette opération a un enjeu majeur de concurrencer des acteurs asiatiques, notamment chinois, présents dans ce secteur.
