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une idée de Gérald Darmanin enterrée après une mission à 300 000 euros

une idée de Gérald Darmanin enterrée après une mission à 300 000 euros


Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics, à Bercy le 4 février 2019.

Trois mois de travail pour un rapport qui dort dans un placard de Bercy. L’histoire serait presque banale si elle ne venait pas illustrer les dérives du recours de l’Etat aux cabinets de conseil, soulevées par le Sénat dans son rapport au vitriol publié en mars 2022.

Car ce rapport oublié n’a pas été rédigé par des fonctionnaires, mais par un cabinet de conseil privé, qui a été payé 301 080 euros pour une mission mal cadrée qui n’a jamais eu aucun débouché concret, selon l’enquête du Monde.

La génèse de cette affaire remonte à début 2019. Après la crise des « gilets jaunes », le spectre du « ras-le-bol fiscal » menace le gouvernement. Partout dans le pays, dans les cahiers de doléances du « grand débat national », des Français modestes réclament une baisse de leurs impôts, après les réductions consenties aux plus riches au début du quinquennat.

« J’y suis défavorable », répond d’emblée Gérald Darmanin, alors ministre des comptes publics. Le transfuge de la droite, aujourd’hui ministre de l’intérieur, tente à l’époque de s’en expliquer dans Le Parisien : « On ne le voit pas toujours, mais s’il y a autant d’impôts, c’est parce que tous les Français bénéficient de services publics gratuits qui font le pacte social français. » Il lance alors une proposition : envoyer chaque année aux Français une « facture » fictive et personnalisée du coût des services publics dont ils bénéficient, pour que « chacun prenne conscience de la façon dont ses impôts sont employés ».

Lire notre enquête : Article réservé à nos abonnés Les cabinets de conseil, une machine installée au cœur de l’Etat

« Une mauvaise idée »

Après avoir fait valider son idée le 20 juin lors d’un séminaire gouvernemental, Gérald Darmanin confie le dossier à la direction interministérielle à la transformation publique (DITP), une administration sous sa tutelle, créée au début du quinquennat pour importer des méthodes innovantes au sein de l’Etat, sous la forme de projets pilotes.

« Quand la commande est arrivée, nous avons été nombreux à nous dire d’emblée que c’était une mauvaise idée, se souvient un ancien agent de la DITP. Si on calcule le coût de chaque service public, les gens vont par exemple s’apercevoir que l’Etat met plus d’argent dans les prépas parisiennes que dans les universités. » En théorie, la DITP a la possibilité de refuser les missions qui ne semblent pas pertinentes. « Mais quand ça vient directement d’un ministre, on n’a pas le choix », soupire l’agent.

Voilà donc la DITP chargée d’expérimenter l’idée de M. Darmanin sur un panel restreint de services publics (école, train, musée) en vue d’une éventuelle généralisation. Comme pour la plupart de ses missions, faute de moyens et de compétences en interne, elle sous-traite à des consultants privés. Le cabinet de conseil américain Accenture se retrouve donc missionné pour « calculer » le coût pour l’Etat d’une année de scolarité d’un collégien dans les Ardennes et d’un trajet en TER de Strasbourg à Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin), en se basant sur des données récupérées sur Internet et auprès de la SNCF. Accenture sous-traite la suite de la mission à une petite agence française, qui organise avec des agents de la DITP des « immersions » auprès de la population, dans le but de tester la réaction des Français face à ces chiffres.

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