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les Escoffier, famille de marins mais fratrie amère

les Escoffier, famille de marins mais fratrie amère


Si dans l’imaginaire culinaire le nom Escoffier reste synonyme de haute gastronomie, il n’est pas sûr que tous les Escoffier de Saint-Malo réussissent un beurre maître d’hôtel. En revanche, ils savent remarquablement naviguer. Dans la famille Escoffier, qui d’Auguste (1846-1935, chef et auteur culinaire) ne partage que le nom, on distingue deux branches installées à Saint-Malo, issues de deux frères qui ne s’adressent plus la parole. L’une incarnée à la fin des années 1970 par Franck-Yves, 64 ans, marin pêcheur et armateur de pêche ; l’autre, au tout début des années 1990, par son frère aîné, Bob, 74 ans, fondateur de la société de croisières Etoile marine. Il y a aussi une sœur, Béatrice, artiste sculptrice, la cadette, mais qui vit en région parisienne : « J’ai parfois l’impression que, coincée entre la personnalité de Bob et celle de Franck-Yves, on a eu un peu tendance à m’oublier dans l’histoire… », dit-elle avec malice.

Servane Escoffier (deux participations à la Route du rhum et un tour du monde en double), 41 ans, l’une des deux filles de Bob (la seconde, Marine a fait sa vie loin de la mer), sourire lumineux, d’un doigt prudent accepte de tourner la page de l’histoire de cette discorde fratricide, tout en tentant de masquer son irritation : « D’abord on ne peut réduire la famille Escoffier à cette brouille entre deux frères. Oui, on en hérite. Oui, c’est épuisant et ça nous peine qu’on nous renvoie à cette histoire, nous qui nous entendons très bien entre cousins. » Puis marque une pause : « Nous sommes deux familles, un nom, deux histoires maritimes distinctes dans une petite ville dans laquelle il y a forcément des rumeurs… »

A la vérité, la bosse du commerce est ce qui réunit les deux frères, dont les rapports ont alterné le chaud et le froid, aucun des deux ne souhaitant s’expliquer sur leurs périodes glaciaires. Cette capacité qu’ils ont eue à se lancer, l’un comme l’autre, dans des projets un peu givrés sans se soucier du qu’en-dira-t-on, requiert une confiance en soi et une force de travail peu communes : « Bob et moi avons dû travailler plus que les autres pour montrer que nous étions à la hauteur, lui dans son chantier naval et ses bateaux à passagers, moi dans la pêche », explique Franck-Yves Escoffier, nostalgique d’un temps de parfaite concorde. Et puis il y a la révélation, aussi terrible qu’enfouie, qui semble avoir vraiment mis à mal leurs relations depuis quatre ans.

Boîte de Pandore

Bièvres, 1981, le père Claude Escoffier est assassiné dans les locaux de son entreprise de sous-traitance automobile par un concurrent qui se donne la mort. Edith, leur mère, avait été emportée auparavant par un cancer. C’est ce qu’écrit Bob dans son livre publié en 2018 (La Mer pour horizon, City), ouvrant la boîte de Pandore. Une divulgation que Franck-Yves n’a toujours pas digérée. Leur sœur Béatrice apparaît comme le ciment de la famille : « Je n’en veux pas du tout à Bob de l’avoir écrit, mais il aurait pu prendre le soin de nous l’envoyer. Le plus grand reproche que je lui ferais, c’est que ce n’est pas très bien écrit. » Chez les Escoffier, la tendresse est parfois vacharde.

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