Alors que le déroulement de la Coupe du monde de football au Qatar suscite d’intenses polémiques, que les conditions de travail inhumaines faites aux ouvriers sur des chantiers de construction des stades sont pointées du doigt, l’heure est en Europe à un renforcement des règles. Les grandes entreprises européennes – et donc françaises – vont bientôt devoir rendre compte publiquement du respect des droits humains et de l’environnement, non seulement en leur sein, mais tout au long de leurs chaînes mondiales d’approvisionnement.
Plus précisément, si la directive sur le « devoir de vigilance », en cours de discussion au Parlement européen est adoptée, ces entreprises devront passer au crible l’ensemble des activités de leurs sous-traitants et des sous-traitants de leurs sous-traitants, avec des procédures d’alerte permettant que les pratiques prohibées comme le travail forcé soient dénoncées et stoppées, y compris dans les plus petits ateliers sans visibilité en toute fin de chaîne.
La France s’était déjà engagée sur cette voie avec une loi votée en 2017. Mais le texte européen va beaucoup plus loin. Seules 265 compagnies hexagonales sont aujourd’hui concernées par la loi de 2017. La directive s’appliquera à 17 000 sociétés. Les exigences seront aussi beaucoup plus fortes. Il s’agissait d’analyser les pratiques des fournisseurs directs, il va falloir désormais étudier celles de l’ensemble des sous-traitants.
0,6 % de leur chiffre d’affaires annuel
Pour les dirigeants des entreprises, ce projet de directive constitue un défi. Au cours de la phase de consultation, plusieurs organisations patronales ont exprimé leurs inquiétudes, concernant notamment la charge administrative et la perte de compétitivité pouvant en résulter.
Pourtant, le Handelsblatt Research Institute, en Allemagne, a estimé que le « devoir de vigilance » allait leur coûter seulement 0,6 % de leur chiffre d’affaires annuel. Le fait que toutes les entreprises agissant dans l’Union européenne subissent la même réglementation réduit les désavantages concurrentiels. Et cette réglementation va avoir l’avantage d’atténuer les risques de réputation, si vitaux pour les entreprises dans une période où les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par la question du respect des droits humains.
En réalité, cette directive peut constituer, pour les compagnies européennes, une véritable opportunité de se distinguer vis-à-vis de leurs concurrentes d’autres continents, à condition que ces compagnies se mobilisent dès à présent. Il s’agit d’abord d’améliorer la transparence des chaînes d’approvisionnement. Une enquête McKinsey de 2022 a révélé que seules 17 % des entreprises ont aujourd’hui une visibilité au-delà des premiers deux niveaux de sous-traitance.
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