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« Les débats historiques ne se plient pas aux appartenances nationales »

« Les débats historiques ne se plient pas aux appartenances nationales »


Au menu de la visite de la première ministre, Elisabeth Borne, en Algérie [les 9 et 10 octobre] : bien des sujets aux conséquences très concrètes dont les enjeux surpassent de loin ceux de l’écriture de l’histoire. Pour autant, et même en fin de liste, le projet d’une commission d’historiens français et algériens travaillant à la « réconciliation » semble rester d’actualité, bien qu’il n’ait pas abouti depuis son annonce en août. Rencontrerait-il des difficultés ? Probablement, pour une raison simple : il a tout de la fausse bonne idée, même s’il relève du bon sens, en apparence. Pourquoi ?

D’abord parce que nous, historiens et historiennes, n’avons pas attendu les Etats pour travailler. Non seulement nous avons, de très longue date, consulté les archives accessibles – elles abondent – mais nous avons interrogé les témoins, recueilli leurs documents, utilisé des images, des films et toutes les sources imaginables. Nous en avons tiré des articles et des livres en si grand nombre que l’Algérie coloniale, aujourd’hui, domine dans les bibliothèques quand les autres colonies de l’ex-empire français intéressent largement moins. Nous avons même documenté tous les sujets, y compris les plus sensibles. Il reste et restera toujours à faire, mais c’est incontestable : qui veut connaître cette histoire a de quoi s’informer.

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Fausse bonne idée, surtout, car la nationalité ne fait pas l’historien. Certes, chacun hérite d’une vision du passé dépendante de l’enseignement qu’il reçoit, de la famille dans laquelle il grandit, de la société dans laquelle il vit… Les formations universitaires divergent aussi d’une nation à une autre, donnant naissance à des façons de faire et de penser l’histoire différentes. Impossible pourtant de rattacher les travaux et leurs auteurs à une nationalité.

Internationalisation de la recherche

Il existe des binationaux qu’il est indécent de renvoyer publiquement à une nationalité plutôt qu’à une autre – sauf à adhérer à une conception réactionnaire des identités, tout à fait dans l’air du temps, ignorant la souplesse et la complexité des appartenances. Le projet supposerait – comment l’oser ? – de demander à un historien de double nationalité de dire s’il est français ou algérien quand il écrit l’histoire. Il existe en outre des trajectoires professionnelles défiant les frontières. Ainsi, par exemple, des Algériens viennent faire leur thèse ou des séjours de recherche en France car – c’est l’essentiel – l’écriture de l’histoire est internationalisée. Les débats historiques ne se plient pas aux appartenances nationales. Ils les transcendent.

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