Dans le lexique des supporteurs de football, la « climatisation d’un stade » renvoie au rafraîchissement tout métaphorique qu’un but fatal de l’équipe visiteuse produit sur les tribunes. Avec la Coupe du monde 2022, ce n’est plus une expression : sept des huit stades de la compétition en sont équipés, même si elle ne sera probablement pas utilisée durant le tournoi, reporté en 2015 de l’été à la fin de l’automne 2022.
Le Qatar en avait fait un argument de sa candidature : la technologie devait permettre de ramener les températures estivales, qui peuvent atteindre 45 °C à 50 °C, dans une fourchette de 18 °C à 24 °C. Pour le Belge Michel D’Hooghe, ancien membre du comité exécutif de la Fédération internationale de football (FIFA), ses homologues la voyaient « comme la solution miracle ». Le pays organisateur, comme un défi technologique. Aujourd’hui, elle symbolise surtout le coût environnemental de la compétition.
Contre l’image d’une « climatisation à ciel ouvert », Saud Abdul Ghani, l’ingénieur qui a mis au point la technologie, évoque une « bulle microclimatique contrôlée ». Elle enveloppe chaque spectateur (des buses sont placées sous les sièges) et couvre le terrain (des bouches d’aération sont disposées autour), sur une hauteur qui n’excède pas 2 mètres en tout point de l’intérieur de l’enceinte.
Un dispositif rationalisé
A ce « refroidissement ciblé » et à un effort d’isolation (façades réfléchissantes, toits conçus pour ne pas laisser entrer trop d’air extérieur) s’ajoute un fonctionnement en circuit quasi fermé : l’air chaud est aspiré à mi-hauteur des tribunes et renvoyé dans les centrales de refroidissement souterraines. Celles-ci permettent un « stockage thermique » qui évite les pics de consommation diurnes. Le dispositif optimise l’injection de l’air refroidi, entre-temps déshumidifié et purifié, ne rafraîchit que certaines zones si besoin, et n’est mis en marche que deux heures avant le coup d’envoi.
« Climatiser un espace ouvert implique une déperdition inévitable. C’est la pertinence de l’usage qui doit être questionnée. Au motif que ces technologies existent et sont maîtrisées, doivent-elles être utilisées de manière pérenne, avec un coût en matières et en énergie très important ? », interroge Morgane Colombert, ingénieure et docteure en génie urbain au Lab’Urba de l’université Gustave-Eiffel.
Les concepteurs ont tâché de rationaliser le procédé. Les centrales de climatisation peuvent être reliées à des équipements ou bâtiments voisins. Ce « district cooling », adopté à grande échelle dans les quartiers de West Bay et The Pearl à Doha, consomme entre 40 % et 80 % d’électricité de moins que les appareils individuels. « Un réseau de froid est généralement plus performant et évite d’aggraver le problème en rejetant de la chaleur à l’extérieur », confirme Morgane Colombert.
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