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Dans « C’est moi, François », l’amitié entre la rescapée des camps Edith Bruck et le pape

Dans « C’est moi, François », l’amitié entre la rescapée des camps Edith Bruck et le pape


Dans le foisonnement ordonné de son appartement romain, Edith Bruck se tient droite, environnée d’une vie entière de lectures et de quelques souvenirs accrochés aux murs. Assise à sa table, elle met un peu de lait dans son café et allume une longue cigarette fine. A 91 ans, l’écrivaine laisse par moments son visage s’éclairer d’un bel air amusé.

Mais, quand son regard bleu traverse le salon, pour s’accrocher sur deux chandeliers à sept branches posés l’un au-dessus de l’autre dans la bibliothèque, sa voix se drape d’une tendresse particulière. « Le grand, c’est le mien. Le petit, c’est François qui me l’a offert. » C’est ainsi qu’Edith Bruck parle du pape, comme d’une vieille connaissance. Et, de ses yeux qui ont vu à travers la plus sombre des nuits, elle tire un sourire en évoquant la belle incongruité de cette amitié tardive. « Una cosa stranissima », dit-elle, « une chose des plus étranges ».

Son dernier livre traduit de l’italien, C’est moi, François (Editions du Sous-Sol), vient de paraître en France. Dans ce bref récit de sa rencontre avec le souverain pontife en février 2021 et des liens qu’ils ont entretenus depuis lors, elle raconte la collision ­heureuse, la sensibilité et le souci du passé entre deux humanités que rien ne disposait à se croiser. D’un côté, un prélat argentin devenu pape, habité par la recherche d’un ­dialogue entre les religions et par la valeur du pardon. De l’autre, la juive athée, une des dernières témoins de la Shoah, née en Hongrie, dans le repli oublié d’une Europe centrale aux langues mêlées et aux frontières sanglantes, arrivée en Italie en 1954, après des années ­d’errance à travers un continent en ruine.

Un long travail d’écriture

« A l’origine de notre rencontre, il y a un livre », rappelle Edith Bruck. Le Pain perdu, paru en 2021 (Babelio), a connu un très grand succès en Italie. Il retrace le rapt par l’histoire de l’existence ordinaire que menait, enfant, Edith Bruck, dernière-née d’une famille nombreuse et pauvre. Elle raconte sa déportation, l’expérience des camps, à Auschwitz puis à Bergen-Belsen, et l’impossibilité de retrouver le cours de sa vie parmi ceux qui, même proches, ne voulaient rien savoir, rien entendre.

« Il a demandé pardon pour le martyre des juifs. Je lui ai dit que ­j’appréciais son geste, mais que je ne pouvais pas être à moi toute seule investie du pardon de millions de morts. » Edith Bruck

« Dans un entretien publié dans le quotidien du Vatican, L’Osservatore romano, après la parution du livre, j’ai décrit le pape en ces termes : “un homme, au sens le plus noble, le plus élevé du terme”. » Touché par ses mots, le pape demande à la voir et une première entrevue a lieu chez Edith Bruck. « Il a demandé pardon pour le martyre des juifs », se souvient l’écrivaine. Elle marque une pause. « Je lui ai dit que ­j’appréciais son geste, mais que je ne pouvais pas être à moi toute seule investie du pardon de millions de morts. »

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