Une catastrophe environnementale se déroule actuellement dans un écosystème marin qui abrite certaines des espèces les plus rares au monde, notamment la tortue imbriquée en danger critique d’extinction, ainsi que des requins-baleines, des raies manta géantes et des dugongs. Il y a plus d’un mois, le MT Princess Empress, transportant 800 000 litres de carburant industriel, a chaviré près de la province insulaire philippine d’Oriental Mindoro, une zone de pêche riche qui fournit de la nourriture et des moyens de subsistance à plus de deux millions de personnes. Aidés par une équipe d’intervention japonaise, les autorités maritimes philippines ont localisé l’épave le 21 mars, mais le navire reste sous l’eau et il y a des inquiétudes quant à la poursuite des fuites de pétrole, bien que la quantité exacte soit inconnue. Depuis lors, la nappe s’est étendue sur 250 kilomètres de mer, polluant les côtes d’au moins trois provinces, privant des milliers de pêcheurs de leur moyen de subsistance et menaçant plus de 20 zones marines protégées.
Malgré des efforts de nettoyage par la garde côtière, la nappe ne cesse de se propager. Les défenseurs de l’environnement estiment que plus doit être fait pour contenir la fuite, retirer le pétrole des zones touchées et protéger contre les futurs désastres en prenant des mesures punitives contre les pollueurs. Jusqu’à 36 000 hectares d’espace marin pourraient être touchés par la nappe de pétrole alors que les efforts de récupération se poursuivent, selon l’Institut des sciences marines de l’Université des Philippines. La garde côtière estime que les équipes de nettoyage ont jusqu’à présent retiré 60 % du pétrole qui a atteint les rives d’une douzaine de villes d’Oriental Mindoro, en utilisant des barrages flottants et des navires de récupération.
Les mangroves qui bordent les côtes des communautés touchées empêchent l’érosion côtière et jouent également un rôle dans la séquestration du carbone. Le manque de protection des mangroves expose les habitants aux risques liés aux événements climatiques extrêmes, en particulier les typhons qui frappent régulièrement les Philippines. Par ailleurs, la collecte de pétrole est laborieuse, ainsi les pêcheurs subissent des pertes économiques importantes depuis une interdiction temporaire de la pêche. Les autorités ont alloué plus de 1,5 million de dollars pour un programme gouvernemental permettant aux pêcheurs qui ne peuvent plus travailler des compensations en échange de leur participation au nettoyage, mais ces indemnisations ne couvrent qu’à peine leurs salaires habituels.
La catastrophe environnementale a suscité une enquête du Sénat centrée sur des accusations selon lesquelles le MT Princess Empress aurait navigué sans autorisation. Le ministre de la Justice du pays, Jesus Crispin Remulla, a également appelé à des accusations criminelles à la suite de la fuite, indiquant que le département est en train de monter un dossier contre l’opérateur du navire. Les communautés touchées réclament également la transparence quant à l’ampleur des dommages de la marée noire et des comptes à rendre de la part des opérateurs du navire et de ses propriétaires. Malgré l’engagement proactif des Philippins dans le nettoyage et le confinement de la marée noire, le gouvernement n’a pris aucune décision ou mesure punitives contre les pollueurs un mois après la catastrophe, a déploré Gerry Arances, directeur exécutif du Centre pour l’énergie, l’écologie et le développement (CEED).
