Au soir de sa victoire, Emmanuel Macron avait déclaré : « Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Je veux ici les remercier. J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir. » Six mois plus tard, le gouvernement vient d’avoir recours à quatre reprises à l’article 49.3 de la Constitution, avec lequel il peut engager sa responsabilité sur un texte qui est ensuite adopté sans vote.
Au-delà de leurs dimensions institutionnelles, ces utilisations inédites de 49.3 en tout début de quinquennat, dont on peut penser qu’elles vont se multiplier, prennent une portée singulière dans le contexte politique, et sont le signe d’un grave recul de la culture démocratique dans notre pays. Le gouvernement ne peut le masquer en déportant le débat sur le vote par le RN de la motion de censure de la Nupes.
Ce ne sont pas des textes anodins sur lesquels le gouvernement a choisi d’interdire au Parlement de se prononcer. Ils portent sur les recettes de l’Etat et de la Sécurité sociale, et décident du montant des impôts et des contributions sociales. Or, dans de nombreux pays, le Parlement a précisément été créé pour qu’il existe un consentement démocratique à l’impôt. Des observateurs ont relevé que cette pratique n’était pas nouvelle, que la plupart des gouvernements y ont eu recours sous la Vᵉ République, et que même un grand démocrate comme Michel Rocard avait utilisé le 49.3 un nombre record de vingt-huit fois.
Le contexte d’une crise démocratique historique
Les mêmes observateurs ont rappelé que la révision constitutionnelle adoptée en 2008 sous le mandat de Nicolas Sarkozy a permis de limiter son emploi à un projet de loi par session, en dehors des textes budgétaires. Ce que ces observateurs oublient de dire, c’est qu’elle limite l’usage du 49.3, sauf pour l’adoption des textes les plus importants de la législature et qui ont souvent justifié l’existence même de nos Parlements modernes, lors de leur création. Voilà une conception bien singulière du rôle du Parlement.
Outre le fait que l’utilisation du 49.3 s’est le plus souvent mal terminée pour les exécutifs qui ont choisi un tel passage en force – qu’on songe au contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin, en 2006, ou à la loi « travail » de Manuel Valls dix ans plus tard – le recours à cet article, dans le contexte d’une crise démocratique historique, prend une tout autre signification aujourd’hui.
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