En Tunisie, l’Unité nationale de recherche dans les crimes terroristes a décidé de reporter l’audition de Rached Ghannouchi, chef du parti d’inspiration islamiste Ennahda, convoqué avec l’ex-premier ministre Ali Laarayedh pour une affaire en lien avec l’envoi de djihadistes en Syrie et en Irak. « Après plus de douze heures d’attente, M. Ghannouchi n’a pas été entendu par cette unité, qui a décidé de reporter l’interrogatoire à mardi à midi », a indiqué à l’AFP son avocat, Samir Dilou.
M. Laarayedh, l’un des dirigeants d’Ennahda, qui a été interrogé lundi « durant des heures », est encore maintenu par l’Unité de recherche dans les crimes terroristes, selon Me Dilou et un correspondant de l’AFP sur place. Dans un communiqué publié dans la nuit de lundi à mardi, le parti Ennahda a dénoncé « les conditions d’un interrogatoire […] qui représentent une violation flagrante contre les droits de l’homme ».
Après la chute de la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali, en 2011, des milliers de Tunisiens avaient rejoint les rangs d’organisations djihadistes, notamment le groupe Etat islamique (EI), en Irak, en Syrie et en Libye. Le parti Ennahda, pilier des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis 2011, est soupçonné par ses détracteurs et une partie de la classe politique d’avoir facilité le départ de ces djihadistes vers les zones de conflit, ce que le mouvement dément catégoriquement.
La bête noire de Kaïs Saïed
L’affaire dite de « l’expédition de djihadistes », qui fut au cœur du débat politique pendant des années, a refait surface ces dernières semaines en Tunisie, où le président Kaïs Saïed, dont Ennahda est la bête noire, a considérablement renforcé sa tutelle sur la justice après s’être arrogé les pleins pouvoirs en 2021. M. Saïed avait alors limogé le gouvernement et dissous le Parlement, dominé par Ennahda, avant de faire adopter en juillet, lors d’un référendum largement boycotté par la population, une nouvelle Constitution instaurant un système hyperprésidentiel qualifié d’autocratique par l’opposition.
M. Ghannouchi, 81 ans, qui dirigeait le Parlement dissous par M. Saïed, avait déjà été interrogé en juillet dans le cadre d’une enquête pour des soupçons de corruption et blanchiment d’argent liés à des transferts depuis l’étranger vers une organisation caritative affiliée à Ennahda. Le parti a mis en garde dans un communiqué publié dimanche contre les « tentatives du pouvoir putschiste d’instrumentaliser la justice pour ternir ses opposants et les impliquer dans des affaires fabriquées ». Il a affirmé que l’audition de ses dirigeants était « une diversion visant à détourner l’opinion publique des préoccupations économiques et sociales et de la dégradation des conditions de vie ».
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