L’épidémie de Covid-19 a forcé les acteurs de la politique étrangère et de la politique de défense à se tourner vers le télétravail pour maintenir leurs opérations. Cependant, la nature secrète des échanges d’informations dans ces domaines rend difficile le travail à distance. Les diplomates et les professionnels de la défense sont contraints de renoncer aux contacts informels qui forment l’essence de leur travail. Delphine Deschaux-Dutard, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Grenoble-Alpes, a mené une enquête sur l’impact du télétravail après les confinements de 2020. Elle a interrogé de nombreux acteurs de la politique étrangère et de la politique de défense de l’Elysée, des Nations unies, des ministères et des états-majors.
Les réunions en ligne se sont avérées utiles car la souplesse des outils numériques permet de multiplier les contacts avec les partenaires de coopération. Toutefois, la virtualisation des échanges prive les diplomates et les professionnels de la défense des contacts informels qui sont au cœur de leur métier. Les formats de réunion privilégiés lors des conférences téléphoniques ou en visioconférences ont dû être adaptés pour conduire des négociations diplomatiques en ligne. Les diplomates optent pour le téléphone pour les réunions courtes de moins de trente minutes et la visioconférence pour les réunions longues à plus de deux interlocuteurs.
Pour préparer la présidence française de l’Union européenne (UE) ou pour le point hebdomadaire de la ministre des armées de l’époque, Florence Parly, avec ses homologues de la force « Takuba » au Sahel, ces types de format ont été privilégiés en 2020-2021. Les réunions au format distanciel ou hybride se poursuivent en 2022 par flexibilité et gain de temps de transport que cette solution offre à des agents aux agendas surchargés.
Les diplomates avancent que la « diplomatie de couloir » est importante pour leur travail. Ce type de communication informelle se produit souvent lors de conférences et de réunions hors ligne. Ces moments de rencontre informels leur permettent de négocier et de discuter en toute liberté. Les contacts informels donnent aux diplomates une meilleure compréhension de la position de l’autre partie et améliorent les chances de conclure des accords bénéfiques.
Ainsi, le télétravail est utile mais ne peut remplacer totalement la communication en face à face dans la politique étrangère et la politique de défense. Les rencontres informelles enrichissent les échanges entre les différents acteurs, et la restitution de cette communication est souvent à l’origine de décisions importantes. Les diplomates continuent à éprouver des difficultés liées au télétravail, mais ils tentent d’adapter leurs méthodes de travail pour que les négociations diplomatiques fonctionnent au mieux.