Si l’hécatombe prévue dans le tunnel Hippolyte-Lafontaine ne s’est pas matérialisée lundi, des transporteurs s’attendent tout de même à un important «casse-tête» qui aura aussi des impacts tant pour leurs clients que pour leurs chauffeurs.
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«Notre terminal est sur la rue de la Province, à Longueuil, à trois coins de rue du tunnel. C’est sûr qu’il va y avoir des impacts», lance Marcus Deschênes, président de Gilmyr, basée à Montmagny.
La solution mise en place pour le moment se fera sentir sur les horaires chauffeurs.
«On va essayer de faire entrer nos voyages de nuit sur l’île, mais nous ne serons pas toujours capables. Il va y avoir des retards tantôt», estime celui qui possède 140 camions.
Recrutement difficile
Pour Transcol, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les transports de nuit seront aussi plus fréquents, rien pour attirer les conducteurs de camions.
«On a de plus en plus de difficultés en région à trouver des chauffeurs qui veulent se rendre dans la métropole. Les gens ont le choix des postes en pénurie de main-d’œuvre. La région de Montréal, ce n’est pas la première carte qui va sortir dans le choix des chauffeurs», croit Caroline Girard, directrice générale de l’entreprise qui compte une centaine de camions.
Elle ajoute que la règlementation sur le nombre d’heures maximales de conduite sera «un stress supplémentaire pour les chauffeurs» qui verront le temps s’écouler alors qu’ils seront pris dans la circulation.
Une situation qui survient alors que cette industrie y a déjà goûté avec la pandémie.
«C’est un gros casse-tête perpétuel. Il faut être très positif à la tête d’une entreprise de transport depuis deux ou trois ans. C’est rock and roll», avoue Mme Girard.
Des effets en région
Ces problèmes de circulation à Montréal se répercuteront dans les régions.
«On envoie des remorques de 53 pieds pour chercher des marchandises (à Montréal). On les démêle ici et on va livrer le matériel. On approvisionne les entrepreneurs au Saguenay-Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord, tout le nord, Missitissini, les grands barrages. Ça impacte vraiment tous les entrepreneurs régionaux. Plus on est loin, plus le délai risque d’être long. À la fin de la chaîne, le délai sera parfois plus long que le retard au début», estime-t-elle.
«Il y a 10 ans, on pouvait se permettre d’offrir du service (livraison) en 24 h de Montréal. Là, on ne garantissait plus de service de 48 heures. Maintenant, on ne garantira plus de délai», prévient-elle.
Question de semaines
Mme Girard pense que c’est à moyen terme que les impacts des travaux dans le pont-tunnel seront les plus visibles.
Robert Leblanc, directeur général de Transport Besner, à Lévis, craint qu’ils se manifestent assez tôt.
«On n’a pas eu d’impact majeur ce matin, mais c’est le jour 1. On s’en reparlera dans deux semaines», avance-t-il.
L’entreprise qu’il dirige opère 90 camions. Elle ne fait que du transport de charge entière (pour un unique client), principalement de la région de Québec vers l’Ontario et les États-Unis, mais aussi un peu à Montréal. En théorie elle peut, un peu plus que d’autres, contourner le tunnel.
Contagion
«Le trafic en général sur l’île c’est majeur. Le tunnel c’est l’épicentre. Les travaux vont causer du trafic partout, jusque dans l’ouest-de-l’île, c’est ça le problème. Quand on va arriver à Repentigny, il va y avoir plus de trafic sur la 40, il va y avoir encore plus de circulation sur le pont Champlain, la 30 va être plus congestionnée», pense M. Leblanc.
«Le tunnel relie Boucherville et Montréal-Est où il y a beaucoup de grosses entreprises. il va être difficile à contourner par moment», ajoute-t-il.
Un cauchemar
L’industrie pourrait fort probablement faire payer des frais supplémentaires aux clients sur l’île de Montréal.
«Montréal c’est une plaie pour les chauffeurs de camion. Ils veulent éviter d’y aller à tout prix. Ça va être encore pire. On est en pénurie de main-d’œuvre et on cherche une solution pour nos chauffeurs. Quand tu entres sur l’île et que ça te prend deux heures pour faire 30 km ce n’est pas rentable ni pour le chauffeur, qui est payé au mille (1,6 km), ni pour la compagnie», conclut M. Leblanc.