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Pourquoi Emirates dépense 2 milliards de dollars pour ses A380 et rêve d’un nouveau gros porteur

Pourquoi Emirates dépense 2 milliards de dollars pour ses A380 et rêve d'un nouveau gros porteur



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La compagnie aérienne, basée à Dubaï, n’a jamais abandonné le mythique avion d’Airbus et cherche à le rendre plus attractif à travers une nouvelle classe Economie Premium.

Un temps remisés dans les hangars des compagnies aériennes, pour cause de non-rentabilité, l’A380 – qui n’est plus fabriqué par Airbus depuis trois ans – fait aujourd’hui de la résistance pour accompagner la forte reprise du trafic aérien dans le monde.

Le plus gros avion du monde revole chez Qatar Aiways, ANA, British Airways, pourrait retrouver les cieux chez Lufthansa… et n’a jamais pris de pause chez Emirates, premier et plus gros utilisateur de l’appareil. 70 de ses 118 unités sont actuellement opérées, un chiffre qui passera à 80 à la fin de l’année et à 118 l’été prochain. Soit toute la flotte de la compagnie.

Et Emirates dépense encore sans compter pour la moderniser. Elle investit en effet 2 milliards de dollars pour l’équiper de sa nouvelle classe Economie Premium, prête à accueillir 56 passagers. Cela peut paraitre peu, sur un avion qui peut dépasser les 600 places sur les configurations les plus longues distances. Mais Emirates mise beaucoup sur cette nouvelle catégorie de voyageurs.

Des classes Affaires chez les concurrents « pas au niveau »

« Ce n’est pas une classe Eco upgradée », explique à BFM Business Cédric Renard, directeur général France de Emirates.

« Située sur le pont supérieur de l’A380, elle reprend tous les codes de la classe Affaires comme l’accueil, la restauration et le divertissement, poursuit-il. On est convaincu de la pertinence de cette proposition qui est commercialisée 10 à 15% plus chère que la classe Eco ».

Le responsable estime que cette nouvelle classe fera de l’ombre aux classes Affaires de ses concurrents « qui ne sont pas au niveau ». Manière de dire que certaines classes Affaires sont moins haut de gamme que cette Economy Premium. « Notre conviction est que ce sont des clients Eco qui voudront se faire plaisir, c’est cette clientèle que l’on vise ». Déployée sur 3 appareils de la flotte, cette nouvelle classe reçoit « de très bon retours », assure le DG.

Les voyageurs Affaires pourraient également y voir une alternative, d’autant plus que la compagnie constate « une très forte reprise de cette clientèle dans la zone du Golfe et des Emirats vers l’Europe et les Etats-Unis ».

« L’A380 est rentable »

Bref, l’A380 a encore de beaux jours devant lui chez Emirates car la compagnie – de par sa clientèle, son positionnement et les liaisons d’interconnexion qu’elle propose – depuis Dubaï, peut en faire un appareil rentable.

Et ce malgré un coût opérationnel très élevé, notamment en carburant. « Il faut bien faire le rapport nombre de passagers transportés et kérosène », fait valoir Cédric Renard qui précise que la compagnie s’est « couverte » en carburant ce qui lui permet d’échapper pour le moment à la flambée des coûts. « C’est un produit à part qui est rentable », assure le responsable.

Ce qui n’empêche pas la compagnie de plancher sur des vols plus « propres », le secteur visant la neutralité carbone en 2050. « On fera décoller un avion 100% SAF (carburants propres, agricoles ou bio) à la fin de l’année. On est engagé dans cette démarche depuis 2017 mais il y a la nécessité d’avoir une filière« , rappelle le responsable.

Les gros porteurs restent au coeur de la stratégie de la compagnie alors que ses concurrents misent tous sur des avions plus petits et monocouloir. Si les A380 ne sont plus produits, la compagnie a commandé pas moins de 50 A350 à Airbus.

« Ils ont leur pertinence car le trafic aérien mondial va encore continuer à progresser de 4 à 5% par an, les aéroports sont congestionnés », dit le responsable.

La compagnie rêve même d’un nouveau gros porteur moderne aussi grand en capacité (de 500 à 600 sièges environ) mais plus léger donc moins coûteux pour ses opérations.

Très gros porteur: Airbus et Boeing n’y croient pas

Dans un entretien à CNN Travel, son patron Tim Clark explique que les besoins justifient ce nouvel appareil en s’appuyant sur les prévisions de croissance du trafic passager de 4,5% par an à partir de cette année.

« Est-il possible de reconcevoir un nouvel A380? Oui. Est-il possible d’alléger l’avion? Oui. Imaginez une aile composite et un fuselage majoritairement composite. Imaginez des moteurs qui vous apportent 20 à 25% de mieux par rapport à ce que vous avez aujourd’hui. Vous obtenez un avion plus léger, beaucoup plus économe en carburant, qui coche toutes les cases des questions environnementales ».

« Un A380 revisité a tout son intérêt », abonde Cédric Renard. Pour autant, Airbus et Boeing ont déjà exprimé leurs doutes. Tout comme les grandes compagnies. Bref, Emirates est un peu seule sur ce coup.

6000 recrutements

Interrogé par BFM Business, l’avionneur européen semble considérer que l’A350-1000, le plus imposant appareil de son catalogue, répond à la demande pour du gros porteur.

« Notre stratégie en matière de produits consiste à développer en permanence nos avions pour répondre aux dernières demandes du marché, comme en témoigne le succès commercial de l’ensemble de notre gamme de produits, y compris l’A350-1000, le plus grand, produit à ce jour. Notre prochain avion qui entrera en service début 2024 sera l’A321XLR et, d’ici le milieu de la prochaine décennie, nous visons un avion neutre en carbone, connu sous le nom de zeroE », indique une porte-parole.

« Il y a certainement de la place pour un Boeing 747 de remplacement, mais je ne pense pas qu’il y ait suffisamment de demande pour lancer un programme pour un avion plus gros que l’A380, explique ainsi Geoff Van Klaveren, analyste en aviation et directeur général du cabinet indépendant de conseil en aviation IBA. Un très gros avion est la clé du modèle économique d’Emirates, car 70% de leurs passagers se connectent à d’autres vols, mais je ne pense pas qu’Airbus ou Boeing en construiront un juste pour eux ».

Pas de pénurie chez Emirates: 300.000 candidatures pour ses recrutements

Alors que le trafic aérien européen a été freiné en Europe par le manque de personnels à tous les étages, Emirates dit avoir largement anticipé la situation. Et les chiffres donnent le tournis.

La compagnie réembauche massivement: 4000 PNC, 600 pilotes et 140 types de postes proposés pour un total de 6000 recrutements. Et a mis l’accent sur les salaires, les avantages comme l’hébergement gratuit à Dubaï… « On a pris la mesure du monde auquel on est confronté », souligne Cédric Renard, DG France.

Ces leviers semblent bien fonctionner: la compagnie a reçu pas moins de 300.000 candidatures pour sa campagne de recrutement.

Et ces campagnes se poursuivent, notamment en France. Deux journées portes ouvertes vont être organisées le 11 octobre à l’hôtel Hilton à Paris-Charles de Gaulle, et le 13 octobre à l’Hôtel Marriott Cité Internationale de Lyon. A vos CV!

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business

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