Ces dernières années, l’industrie spatiale intéresse de plus en plus l’Afrique. Non seulement elle apparaît comme un outil efficace de développement, mais elle permet aussi de lutter contre les groupes djihadistes qui gangrènent le continent. Ainsi, la Côte d’Ivoire a récemment accueilli la conférence internationale « NewSpace Africa », organisée par l’Union africaine, pour annoncer la création de son agence spatiale et le lancement du premier nanosatellite ivoirien en 2024. De même, en avril dernier, le Kenya a vu son premier satellite opérationnel mis en orbite par une fusée de la compagnie SpaceX. Des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Algérie et l’Egypte font déjà partie de ces pionniers.
Mais selon Tidiane Ouattara, coordonnateur du programme spatial de l’Union africaine, « une quinzaine de pays africains ont une agence spatiale » et « tous ont au moins une institution qui travaille avec au moins un service lié au spatial ». Ce programme a été créé en 2016 et opère depuis le siège de l’Union africaine à Addis-Abeba. En 2018, les statuts pour la création de l’agence spatiale africaine ont été adoptés et elle sera basée au Caire.
Ce programme permettrait de répondre à des enjeux capitaux, tels que la lutte contre le terrorisme. L’espace est le meilleur outil actuel pour suivre les mouvements des groupes armés, selon Tidiane Ouattara. De fait, le djihadisme déstabilise de nombreux Etats africains, avec des groupes liés à Al-Qaida et à l’Etat islamique qui ont provoqué des milliers de morts au Sahel depuis une dizaine d’années, mais qui sévissent également en Somalie et au Mozambique.
Mais l’industrie spatiale peut également bénéficier à l’agriculture, pilier du développement en Afrique. En effet, la majorité de la population africaine vit de la terre (48%) et le continent compte 65% des terres arables non cultivées dans le monde, selon la Banque africaine de développement. Il va donc falloir nourrir 9 milliards de personnes d’ici à 2050. L’observation satellitaire permettrait d’optimiser l’exploitation de ces terres en informant sur les parties à cultiver et permettrait aux agriculteurs de faire une estimation de leur production des années en avance pour se positionner sur le marché international.
Enfin, grâce aux images satellitaires, il serait possible de repérer les navires responsables de la surpêche sur les côtes africaines, ainsi que d’étudier la qualité de l’eau. Cependant, malgré les potentiels énormes que peut offrir l’industrie spatiale, le manque de moyens financiers freine encore certains Etats africains, qui représentent la majorité des 46 pays les moins avancés au monde selon l’ONU.
Malgré cela, la nanotechnologie et les petits satellites ont permis de réduire considérablement le coût de fabrication. En effet, selon Tidiane Ouattara, leur coût de production se situe entre 50 000 et 100 000 dollars. Les opportunités économiques sont également au rendez-vous, car selon une étude de l’Union africaine réalisée en 2019, le marché de l’espace sur le continent rapportera 20 milliards de dollars en 2024. Toutefois, il faut trouver des réglementations efficaces, souvent vagues ou inexistantes sur le continent, qui peuvent créer de l’incertitude pour les entreprises qui cherchent à développer des projets. Le ministre ivoirien de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Adama Diawara, souligne également que l’Afrique ne doit pas être un nouvel espace de conquête.