Les experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) rejoignent une liste grandissante d’organisations et d’associations à s’inquiéter de la proposition de loi visant à défendre les logements contre l’occupation illicite en France. Les députés de la majorité Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé portent cette loi qui est en cours d’examen au Parlement.
Balakrishnan Rajagopal, le rapporteur spécial de l’ONU sur le logement convenable, et Olivier De Schutter, le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, ont adressé au gouvernement français une communication officielle de huit pages. Cette communication a été rendue publique mardi 4 avril. M. De Schutter résume leur propos en indiquant qu’ils attirent l’attention sur la régression que constitue cette proposition de loi et sur le risque qu’elle conduise la France à violer ses engagements internationaux.
Ce courrier mentionne cinq points particulièrement problématiques dans la proposition de loi. D’abord, la criminalisation de l’occupation d’un logement sans titre est inquiétante. Squatter des bâtiments vides ou désaffectés, y compris ceux destinés à un usage économique, exposerait à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende ; le squat de domicile, le seul qui constitue pour l’instant un délit, serait sanctionné de trois ans de prison et 45 000 euros, soit des peines trois fois plus lourdes qu’actuellement. Quant aux locataires qui se maintiendraient dans leur logement à l’issue d’une procédure d’expulsion, ils risqueraient 7 500 euros d’amende.
Selon les deux rapporteurs, toutes ces mesures se présentent comme visant à renforcer les droits des propriétaires de logements, tout en fragilisant des personnes déjà particulièrement vulnérables, telles que les victimes d’un faux bail, d’une sous-location non autorisée, les personnes qui occupent un logement sans titre [squatteurs] à défaut de disposer de l’accès à un logement ainsi que les ménages qui ne parviennent pas à payer leurs loyers. En 2019, 125 000 ménages ont été visés par des décisions d’expulsions en France, une hausse de 55 % par rapport à 2001. Or, dans les Etats parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tels que la France, les politiques et la législation ne devraient pas être conçues de façon à bénéficier aux groupes sociaux déjà favorisés, au détriment des autres couches sociales. Rajagopal et De Schutter recommandent donc de préparer, avant l’adoption définitive de la proposition de loi, une étude d’impact approfondie sur le profil et le nombre de personnes susceptibles d’être affectées.
Les rapporteurs de l’ONU ne sont pas les seuls à exprimer leur préoccupation quant à cette proposition de loi. Les associations de locataires ainsi que celles qui luttent contre le mal-logement associées au Syndicat de la magistrature ont manifesté leur inquiétude. La Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme ont également émis des critiques à son égard.
Le gouvernement français doit prêter attention aux inquiétudes exprimées par les rapporteurs de l’ONU et par les autres organisations et associations. Il serait judicieux de procéder à une analyse plus approfondie et plus équitable de la proposition de loi avant de l’adopter. Il peut également être utile de consulter des experts sur la question pour garantir que les droits de chacun soient protégés et que cette proposition de loi ne conduise pas à un renforcement des inégalités et à une augmentation du nombre de personnes sans domicile fixe.