Dominique Voynet le revendique, elle a largement contribué au succès du « gang des R25 », expression destinée à railler ses alliés socialistes. En février 1994, devant les Assises de la transformation sociale réunies à Paris par le PS pour ressouder une gauche encore traumatisée par la déconfiture des législatives de 1993, l’ancienne médecin anesthésiste tient alors un discours qu’elle se remémore comme « agressif ». Les Verts, prévient-elle, ne feront alliance avec le PS qu’à condition que ses dirigeants abandonnent leur complexe de supériorité et rompent avec l’« arrogance » avec laquelle ils se pavanent à l’arrière de leurs confortables Renault 25 officielles. Fermez le ban.
Devenue ministre de l’environnement de Lionel Jospin dans le gouvernement de la gauche plurielle (1997-2002), Dominique Voynet préfère son vélo aux limousines avec chauffeur. Il lui arrivera régulièrement d’installer sa fille sur le porte-bébé de sa bicyclette pour la conduire à l’école, mais cela ne fera guère de bruit médiatique. « C’était une tout autre époque, où l’on continuait d’adapter la ville à la bagnole. Le vélo était considéré comme un loisir – ou un mode de déplacement de prolo – mais sûrement pas une alternative à l’automobile. »
Elle ne parviendra pas à réduire la cylindrée des voitures ministérielles mais obtiendra qu’un garage à vélos soit aménagé dans les ministères, où, les jours de pluie, les tenants de la petite reine devaient abandonner leur bicyclette aux rigueurs de la météo.
Pratique périlleuse
A la fin du XXe siècle, faire du deux-roues dans Paris, qui ne compte alors aucune piste cyclable, est une pratique marginale et périlleuse, notoirement contre-intuitive.
« Soyons honnêtes, si je n’avais pas envisagé la chose au plan politique, je ne me serais pas posé la question du vélo en ville », admet-elle aujourd’hui. « Parce qu’il fallait faire un truc, un effet de com qui fasse réfléchir les gens », la ministre qui a introduit la première Journée sans voiture, en 1998, arrive parfois au conseil des ministres à bicyclette. Quelquefois, l’initiative tourne court. « A cause des gros gravillons de la cour de Matignon, je devais descendre de selle et pousser le vélo. Ce n’était pas une position ultra-ministérielle », s’amuse-t-elle.
Dominique Voynet ne se souvient pas que ses apparitions à vélo aient suscité de moqueries parmi ses alliés. « La question n’intéressait pas les socialistes, dit-elle. Pas plus que Jean-Claude Gayssot, le ministre communiste des transports, très sensible aux questions ferroviaires mais qui se fichait des modes de circulation douce. »
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