Le président Ebrahim Raïssi a appelé les forces de l’ordre à agir «fermement» contre les manifestants en Iran après neuf jours de protestations contre la mort d’une jeune femme détenue par la police des mœurs, dans lesquelles plus de 40 personnes ont péri.
A l’étranger, des manifestations soutenant le mouvement en Iran ont eu lieu dans plusieurs pays samedi: au Canada, aux Etats-Unis, au Chili, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Irak, pays voisin de l’Iran.
Les protestations ont été déclenchées le 16 septembre, le jour du décès de Mahsa Amini, trois jours après son arrestation à Téhéran pour «port de vêtements inapproprié» et non-respect du strict code vestimentaire pour les femmes en République islamique d’Iran.
Elles sont les plus importantes depuis les protestations de novembre 2019, provoquées par la hausse des prix de l’essence, en pleine crise économique, qui avaient touché une centaine de villes en Iran et été sévèrement réprimées (230 morts selon un bilan officiel, plus de 300 selon Amnesty International).
Les autorités nient toute implication dans la mort de Mahsa Amini, âgée de 22 ans et originaire de la région du Kurdistan (nord-ouest). Mais depuis le 16 septembre, des Iraniens en colère descendent à la tombée de la nuit dans la rue pour manifester.
Selon le bilan officiel non détaillé incluant manifestants et forces de l’ordre, 41 personnes ont été tuées. Mais le bilan pourrait être plus lourd, l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, faisant état d’au moins 54 manifestants tués dans la répression.
Qualifiant les protestations «d’émeutes», M. Raïssi, un ultraconservateur, a appelé samedi «les autorités concernées à agir fermement contre ceux qui portent atteinte à la sécurité et la paix du pays et du peuple».
Dans un communiqué, il a souligné «la nécessité de faire la distinction entre manifestation et perturbation de l’ordre et de la sécurité publique».
Manifestation progouvernementale
Le ministère iranien des Affaires étrangères a mis en cause les Etats-Unis, ennemi juré de l’Iran, dans les troubles et prévenu que «les efforts pour violer la souveraineté de l’Iran ne resteront pas sans réponse».
Le ministre de l’Intérieur Ahmad Vahidi, cité par l’agence officielle IRNA, a lui dit attendre du «pouvoir judiciaire qu’il poursuive rapidement les principaux auteurs et meneurs de ces émeutes», après l’annonce par la police de l’arrestation de plus de 700 personnes.
Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé aux Etats-Unis, 17 journalistes ont été arrêtés en Iran depuis le 19 septembre.
Comme vendredi dernier, une manifestation en faveur du gouvernement est prévue dimanche après-midi à Téhéran, à l’appel des autorités.
Samedi soir, les manifestations ont encore touché plusieurs villes d’Iran, y compris la capitale Téhéran où une vidéo virale a montré une femme marchant la tête découverte et agitant son voile en pleine rue, faisant fi des strictes règles vestimentaires.
En Iran, les femmes doivent se couvrir les cheveux et le corps jusqu’en dessous des genoux et ne doivent pas porter des pantalons serrés ou des jeans troués, entre autres.
Des images virales des manifestations ont montré des Iraniennes brûlant leur foulard.
Le parti réformateur de l’«Union du peuple de l’Iran islamique» a exhorté samedi l’État à annuler l’obligation du port du voile et à libérer les personnes arrêtées.
«Femmes courageuses»
Les manifestations sont marquées par des affrontements avec les forces de sécurité et des véhicules de police sont incendiés par les protestataires qui scandent des slogans hostiles au pouvoir, selon médias et militants.
Depuis plusieurs jours, des vidéos en ligne montrent des scènes de violence à Téhéran et dans d’autres grandes villes comme Tabriz (nord-ouest). Sur certaines, on voit les forces de sécurité tirer sur des manifestants.
Amnesty International accuse les forces de sécurité de tirer «délibérément […] à balles réelles sur des manifestants», appelant à une «action internationale urgente pour mettre fin à la répression».
Les connexions internet sont toujours perturbées samedi, avec le blocage de WhatsApp et Instagram. NetBlocks, un site basé à Londres qui observe les blocages d’internet à travers le monde, a également fait état de celui de Skype.
Dans un nouveau message sur Instagram, le réalisateur iranien Asghar Farhadi, deux fois oscarisé, a exhorté les peuples du monde à «être solidaires» des protestataires en Iran et salué les «femmes courageuses qui mènent les manifestations pour réclamer leurs droits».