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Quelques centimètres. Il a manqué un souffle de réussite, samedi 26 novembre, à Youssef Msakni pour égaliser et permettre à son pays de recoller au score face à l’Australie juste avant la pause. Rageant. Le capitaine de l’équipe tunisienne a pourtant tout donné, poussant ses coéquipiers à se dépasser jusqu’au coup de sifflet final. Mais l’adversaire du jour a été trop coriace (0-1).
Cette première défaite à la Coupe du monde au Qatar – après un nul face au Danemark (0-0) – éloigne les Aigles de Carthage d’une qualification en huitièmes de finale. Rien n’est toutefois joué : mercredi 30 novembre, ils devront défaire la France, tenante du titre, et prier pour que les Socceroos australiens soient tenus en échec par les Danois. Bref, deux miracles…
Au pays, on croit qu’une grande partie du destin de la sélection nationale passera par « le Lynx », le surnom de Youssef Msakni. L’ailier gauche est connu pour ses dribbles rapides, son côté imprévisible et une technique hors pair. Au café du Stade tunisien – le nom du club du Bardo, un arrondissement populaire de Tunis, où le capitaine a fait ses premières armes –, certains encensent l’enfant du quartier et ses buts mémorables.
On se souvient de ce sublime enroulé en lucarne, tiré à une vingtaine de mètres dans les ultimes secondes du match contre l’Algérie pendant la Coupe d’Afrique des nations de 2013 (1-0). « Il a un jeu de sorcier, plaisante Mohamed Khriji, 68 ans, ancien kinésithérapeute du Stade tunisien, gavroche vissée sur le crâne et chicha à la bouche. C’est notre Messi local. »
Infinie admiration
A ses côtés, Feres Hammari, 17 ans, ailier gauche au Stade tunisien, parle de l’international avec une infinie admiration. « Mon père l’a entraîné et j’aimerais beaucoup suivre ses pas », lance le jeune joueur qui regarde en replay chaque match de son idole pour s’inspirer de sa maîtrise du ballon. « Il a débuté chez nous très jeune, c’est pourquoi nous sommes attachés à lui ici », insiste Mohamed Khriji. Pourtant, Youssef Msakni avait fait faux bond au Stade tunisien en choisissant de rejoindre, à 17 ans, l’Espérance sportive de Tunis, le grand rival, pour démarrer sa carrière chez les pros. « Nous avons eu du mal à lui pardonner », admet Mohamed Khriji.
Avec l’Espérance, le prodige du football tunisien avait étoffé son palmarès en remportant, entre autres, quatre fois le championnat local, et une Ligue des champions [d’Afrique] en 2011. Des clubs français comme Lille ou le Paris-Saint-Germain s’étaient intéressés à lui, mais Youssef Msakni avait préféré signer au… Qatar, à Lekhwiya – qui s’appelle aujourd’hui Al-Duhail. Montant du transfert : 11,5 millions d’euros, un record à l’époque pour un joueur évoluant sur le continent.
Considéré comme l’un des jeunes les plus prometteurs de sa génération, Youssef Msakni avait alors envisagé sa venue dans la péninsule Arabique comme un « tremplin » pour l’Europe. Finalement, après un passage éclair au club belge du KAS Eupen, en 2019, il choisira d’y poursuivre sa carrière en signant à Al-Arabi, une autre équipe qatarie. Ses choix de club ont parfois déçu en Tunisie où les supporteurs et les observateurs sont habitués à voir leurs cadres évoluer dans de grandes écuries européennes. « Sa décision a reflété un manque d’ambition sportive », regrette Mourad Zeghidi, journaliste, spécialiste du football africain.
Mais Youssef Msakni est resté très attaché aux Aigles. A 32 ans, il vit aujourd’hui sa première Coupe du monde, alors qu’il compte déjà quatre-vingt-dix sélections en équipe nationale et 17 buts. En 2018, une méchante blessure aux ligaments croisés l’avait obligé à déclarer forfait pour la Coupe du monde en Russie. « Manquer ce tournoi l’a beaucoup marqué, se rappelle M. Zeghidi. Au Qatar, Youssef Msakni a une double pression : mener l’équipe nationale, mais aussi se prouver à lui-même qu’il est capable d’aller loin, car, pour beaucoup de Tunisiens, sa carrière a un goût d’inachevé. »
Sélection solide
Le sélectionneur de la Tunisie a choisi Youssef Msakni comme capitaine et ce n’est pas anodin. « C’est un joueur charismatique et un meneur, qui peut faire beaucoup. Il a une capacité à improviser dans les petits espaces », estime Zied Tlemçani, ancien vice-président de l’Espérance. « C’est un organisateur de jeu, l’équipe nationale est construite en partie autour de lui, donc il faut qu’il donne le meilleur de lui-même », précise Mourad Zeghidi. A lui de ne pas se blesser à nouveau…
Au Qatar, Youssef Msakni peut se reposer sur une sélection solide avec le jeune espoir de 19 ans Hannibal Mejbri, l’attaquant Wahbi Khazri qui joue sa deuxième Coupe du monde et le défenseur qui monte, Montassar Talbi. « Pour le mental, Youssef et le reste de la sélection peuvent compter sur le soutien des 35 000 Tunisiens installés au Qatar. Il y a déjà une très bonne ambiance sur place, portée par les fans », a constaté Ahmed Adala, journaliste sportif pour une radio tunisienne. « Msakni a aussi l’avantage du soutien des Qataris, puisqu’il joue dans le pays qui l’accueille depuis presque dix ans », ajoute-t-il. Pour le duel contre la France, les supporters tunisiens sont attendus en masse au stade Al-Rayyan.
Et au café du Stade tunisien, les clients vont continuer à se serrer devant l’écran géant installé sur la terrasse. Et espérer que Youssef Msakni prenne son envol et ne joue pas déjà son dernier match de Coupe du monde.