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« Le divorce entre le Parti socialiste et la fraction des classes moyennes dont le cœur penchait à gauche est consommé »


Pour surmonter les nombreuses crises de son histoire, le socialisme français s’est appuyé sur deux piliers longtemps inébranlables : ses mairies, qui lui ont permis de tisser des réseaux locaux compensant en partie son incapacité à construire un parti de masse, et les agents de l’Etat. Si les dernières élections municipales ont rappelé la robustesse du premier pilier, les scrutins présidentiels et législatifs depuis 2017 ont mis en lumière l’effondrement du second. Le divorce entre le Parti socialiste (PS) et cette fraction des classes moyennes dont le cœur penchait traditionnellement à gauche est consommé. En 2012, plus de 45 % des enseignants, par exemple, avaient apporté leurs voix à François Hollande. Ils ne sont plus que 19 % à soutenir Benoît Hamon en 2017 et 3 % Anne Hidalgo en avril 2022.

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Ce phénomène touche l’ensemble des partis socialistes et sociaux-démocrates européens depuis le début des années 2000. Mais la perte des agents de l’Etat est particulièrement lourde pour le socialisme français qui, contrairement à ses homologues allemand, autrichien ou d’Europe du Nord, n’a jamais pu compter sur une assise ouvrière solide. En revanche, sa capacité à traduire politiquement une culture républicaine, laïque et de protection des « petits » par l’extension et le renforcement de l’Etat social lui a permis de rallier très tôt une fraction non négligeable de la fonction publique. A la veille de la première guerre mondiale, les instituteurs représentaient un quart des adhérents de la jeune SFIO. En 1951, une enquête interne estime la part des fonctionnaires au sein du parti à 25 %, parmi lesquels une part importante de travailleurs du secteur public dont le nombre a considérablement augmenté avec les nationalisations de la Libération. Les socialistes subissent toutefois sur ce terrain la rude concurrence d’un Parti communiste, beaucoup mieux implanté dans les milieux ouvriers.

Relais syndicaux

Dans les années 1970, la stratégie de conquête du pouvoir impulsée par François Mitterrand induit des transformations organisationnelles et sociologiques majeures au sein du PS. Sa professionnalisation lui permet d’apparaître comme une alternative gouvernementale crédible au gaullisme et au centre droit et de pénétrer les sommets de l’Etat, ce que la SFIO n’avait jamais réussi à faire. Entre 1979 et 2000, la proportion des cadres et des professions intellectuelles supérieures issues de la haute fonction publique augmente régulièrement dans ses instances dirigeantes. La part des fonctionnaires et des travailleurs du secteur public – dont une portion croissante de retraités – fait plus que doubler entre 1973 et 1986 et se stabilise autour de 55 % dans la décennie suivante. Comme au temps de la SFIO, le parti peut compter sur des relais syndicaux dans la fonction publique – Force ouvrière, Fédération de l’éducation nationale, CFDT – bien que la relation avec ces organisations ne soit jamais simple.

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