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Le « colonel Kamara » face aux fantômes du Liberia

Le « colonel Kamara » face aux fantômes du Liberia


Ce moment, ils l’attendent depuis si longtemps. Depuis que la folie sanguinaire a plongé leur pays, le Liberia, dans la guerre civile à la fin du XXe siècle. Lundi 10 octobre, à Paris, trois hommes et une femme venus de ce lointain Etat d’Afrique de l’Ouest prendront place sur le banc des parties civiles, devant la cour d’assises. Aux magistrats et aux jurés, Stephen C., Jasper C., Fayah G. et Rebecca K. décriront une fois encore les atrocités dont ils furent les témoins et les victimes dans leur comté de Lofa, en 1993 et en 1994.

Face à eux, un compatriote qu’ils pensaient ne jamais revoir : Kunti Kamara, 47 ans, un ancien commandant du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo), l’un des groupes armés dont la lutte pour le pouvoir fit 250 000 morts entre 1989 et 2003. Un meurtrier, un tortionnaire et un cannibale, jurent ses accusateurs. Un innocent d’après sa défense. Les charges sont lourdes – « actes de torture et de barbarie aggravés », « crimes contre l’humanité » – et pourraient lui valoir la réclusion à perpétuité.

Le colonel Kamara, alias « CO Kunti » (commanding officer Kunti), n’imaginait sûrement pas devoir, un jour, rendre des comptes sur les horreurs perpétrées dans le Lofa, quand l’Ulimo combattait ses adversaires du Front national patriotique du Liberia (NPFL) de Charles Taylor. Pendant ces années de sang et de terreur, loin des regards indiscrets et des caméras de télévision, les différentes factions ont rivalisé de cruauté contre les civils dont l’appartenance ethnique valait allégeance à l’un ou à l’autre des camps : femmes enceintes éviscérées, hommes castrés, intestins tendus en guise de barrière aux points de contrôle, morceaux de corps humains vendus aux villageois médusés au cri de « Qui veut acheter de la viande de bœuf ? ».

Le rapport de la Commission vérité et réconciliation du Liberia, publié en 2009, a dévoilé l’ampleur de ces horreurs et souligné que le Lofa, occupé par l’Ulimo, figurait parmi les régions les plus martyrisées. Mais la justice libérienne n’a pas pour autant demandé de comptes aux anciens seigneurs de guerre restés au pays ou à leurs sbires.

Leurs camarades installés en Occident semblaient, eux aussi, hors d’atteinte. Il a fallu le courage de quelques victimes, et la ténacité d’une ONG suisse, Civitas Maxima, créée en 2012 pour documenter la barbarie de ces conflits oubliés, pour faire ressurgir leur sanglant passé.

Petits arrangements avec la vérité

En octobre 2017 sonne le premier coup de semonce : l’ancien commandant de l’Ulimo Mohammed Jabbateh, dit « Jungle Jabbah », réfugié aux Etats-Unis, écope de trente ans de prison pour avoir menti sur son CV aux services américains de l’immigration.

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