Verra-t-on des athlètes russes concourir sous bannière neutre aux Jeux olympiques de Paris, en 2024 ? Si l’on en croit le président du Comité olympique international (CIO), Thomas Bach, l’éventualité n’est pas à exclure. A quelques mois du coup d’envoi des premières épreuves de qualification olympique, l’ancien escrimeur allemand est revenu sur cet épineux dossier dans un entretien au Corriere della Sera, publié vendredi 30 septembre.
Dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, le CIO avait demandé aux fédérations internationales ainsi qu’aux organisateurs de manifestations sportives de ne pas inviter ou permettre la participation d’athlètes et de représentants officiels russes aux compétitions internationales – une mesure étendue à leurs homologues biélorusses, en raison du soutien de Minsk au Kremlin. La décision était alors justifiée par la volonté de « protéger l’intégrité » de ces rendez-vous et d’assurer « la sécurité des participants ».
Sept mois après le déclenchement du conflit, la perspective de le voir toucher à son terme semble encore lointaine : vendredi 30 septembre, le président russe,Vladimir Poutine, a officialisé l’annexion de quatre régions ukrainiennes lors d’une cérémonie à Moscou ; quelques jours plus tôt, il décrétait une mobilisation partielle dans le cadre de son « opération militaire spéciale ».
« Dilemme » persistant
La mise au ban du sport russe était « le bon choix », a répété M. Bach au quotidien italien, et les recommandations en vigueur restent pour l’heure les mêmes. Mais, poursuit-il, cela ne résout pas le « dilemme » du CIO.
Dans un monde de plus en plus polarisé, la problématique pourrait s’étendre
« Notre mission de paix vacille et, dans un contexte aussi conflictuel, ce sont les athlètes russes et biélorusses qui en font les frais », estime l’Allemand. Pire, dans un monde de plus en plus polarisé, la problématique pourrait s’étendre. Les Iraniens pourraient ne pas vouloir laisser les Américains concourir, les Palestiniens rejeter les Israéliens…
« La mission du mouvement olympique est de contribuer à la paix tout en restant politiquement neutre : bien sûr, à l’heure actuelle, nous devons trouver comment nous pouvons le faire », résume-t-il. Quitte donc à réintégrer certains des sportifs russes et biélorusses. « La guerre n’a certainement pas été déclenchée par [ces derniers]. Ceux qui ont pris leurs distances avec le régime devraient pouvoir concourir sous un drapeau neutre. »
La prise de parole du président du CIO survient alors que la Fédération internationale de ski (FIS) a fait part de sa volonté de permettre aux représentants des deux pays de reprendre la compétition. La question doit être discutée lors de la prochaine réunion de l’instance, prévue à la fin d’octobre.
« Aucune discrimination fondée sur la nationalité »
Une mesure réclamée aussi par la Fédération internationale de boxe (IBA), qui tient toutefois une place à part dans le paysage sportif : suspendue par le CIO depuis 2019 pour de multiples défaillances, elle est présidée depuis 2020 par le Russe Umar Kremlev, n’a pas écarté Russes et Biélorusses de ses tournois, et risque de disparaître des JO après 2024. Celle-ci a, en outre, suspendu à la fin de septembre la Fédération ukrainienne de boxe, officiellement pour « ingérence du gouvernement ».
« Le temps est venu de permettre à tous les autres athlètes russes et biélorusses de participer à toutes les compétitions officielles de leurs sports en représentant leurs pays », a fait valoir M. Kremlev dans un communiqué :
« Le CIO et les fédérations internationales doivent protéger tous les athlètes, et il ne devrait y avoir aucune discrimination fondée sur la nationalité. »
Au-delà de cette problématique se pose celle des sélections en équipes nationales des sportifs évoluant dans les championnats russes. A l’image du basketteur Thomas Heurtel : dimanche 2 octobre, le meneur des Bleus a joué ses premières minutes avec le Zénith Saint-Pétersbourg. Or, pour pouvoir disputer l’Euro de basket en septembre, Heurtel avait dû signer – comme les autres joueurs et les membres de l’encadrement – une attestation sur l’honneur précisant qu’il n’était pas engagé et ne s’engagerait pas avec une formation russe ou biélorusse pendant la durée du conflit avec l’Ukraine, sous peine de perdre sa place dans la sélection nationale.