Analyse. Après quarante années à la présidence du Cameroun, Paul Biya pourrait, à 89 ans, consacrer ses forces à enseigner sa science de la longévité au pouvoir. L’école aurait alors assurément son siège en Afrique centrale, où quatre autres dirigeants, certains remplacés par leur fils, cumulent avec lui plus de deux siècles aux commandes de leur pays (République du Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad).
Paul Biya a laissé le temps à ses concitoyens de disséquer son mode de gouvernance. Une existence discrète, un retrait de la vie politique qui lui a permis d’occuper sa fonction tel un spectre, au courant de tout mais responsable de rien, et enfin un savoir-faire hors pair pour éliminer tous ceux qui, parmi ses opposants et plus encore ses lieutenants, ont eu l’ambition affirmée, présumée ou suspectée de prendre sa place au palais présidentiel d’Etoudi.
L’ex-secrétaire général de la présidence, Marafa Hamidou Yaya, est en « détention arbitraire », selon les Nations unies, depuis plus de dix ans ; Edgar Alain Mébé Ngo’o, ancien tout-puissant ministre de la défense, attend depuis plus de trois ans d’être jugé pour corruption et détournement de deniers publics ; l’opposant Maurice Kamto, qui a osé contester la réélection de Paul Biya en 2018, a lui aussi séjourné en prison et ses proches continuent de remplir les cellules de la maison d’arrêt de Kondengui à Yaoundé. Il y a trente ans, John Fru Ndi, alors « le candidat du changement », avait connu peu ou prou le même sort, assigné à résidence pendant près de deux mois après avoir décrété sa victoire « volée ».
La succession au cœur des préoccupations
Avare de ses mots, Paul Biya se découvre à travers quelques petites phrases ironiques – « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », avait-il lancé en 2015 lors d’une visite de François Hollande – et s’amuse des interrogations sur son avenir. « Quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informée sur le point de savoir si je reste ou si je m’en vais au village », annonçait-il d’une voix chevrotante en juillet, aux côtés d’Emmanuel Macron, à une journaliste de RFI qui le questionnait sur ses intentions pour 2025.
La question de sa succession est pourtant, depuis des années, au centre des préoccupations des Camerounais. « Que va-t-il se passer le jour d’après ? C’est le seul sujet de discussion, même si tout le monde fait attention aux mots qu’il emploie, relate Stéphane Akoa, politologue et chercheur à la Fondation Paul Ango Ela à Yaoundé. Cette situation crée beaucoup d’appréhension car personne ne croit à une application stricte de la Constitution et aucun scénario clair ne se dessine. Nous sommes aujourd’hui dans un état végétatif. On ne sait pas qui décide. Les énergies sont absorbées par cette échéance et personne ne prend d’initiative par peur de tout perdre. »
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