L’Allemagne va finalement nationaliser son « Lehman Brothers » de l’énergie. Le groupe Uniper, jusqu’à récemment premier importateur européen de gaz russe, et considéré comme d’importance systémique pour l’approvisionnement énergétique outre-Rhin, va être racheté à 99 % par Berlin. Ce sauvetage, annoncé par le ministère de l’économie mercredi 21 septembre, est emblématique de la précarité énergétique dramatique dans laquelle se trouve l’Allemagne depuis la cessation des livraisons de gaz par la Russie, début septembre.
« La situation d’Uniper s’est considérablement dégradée », a déclaré le ministre de l’économie, Robert Habeck, mercredi, pour justifier la nationalisation de l’énergéticien, mesure exceptionnelle dans un pays traditionnellement attaché au libre fonctionnement du marché. Uniper appartient majoritairement au groupe finnois Fortum, qui a longuement négocié sa sortie, ruineuse, avec le gouvernement allemand.
Deux chiffres suffisent à comprendre pourquoi Berlin a dû s’y résoudre : Uniper assure aujourd’hui 40 % de l’approvisionnement du pays en gaz, combustible indispensable au chauffage des ménages et au fonctionnement de nombreuses industries, et 50 % de ce gaz était importé de champs gaziers en Sibérie.
Pris en étau entre les contrats de long terme avec ses clients et l’obligation de s’approvisionner à prix d’or sur les marchés mondiaux pour remplacer le gaz non livré par Moscou, Uniper perd actuellement 100 millions d’euros par jour. Le gouvernement était déjà venu à son secours, fin juillet, en acquérant 30 % du capital du groupe, en plus de prêts d’un montant de 13 milliards d’euros.
Avec l’arrêt total des livraisons par Moscou, il était devenu de plus en plus évident que ce plan de sauvetage serait insuffisant pour empêcher la faillite d’Uniper. Le dispositif annoncé mercredi matin comprend une augmentation du capital financée par l’Etat, à hauteur de 8 milliards d’euros, le rachat des parts de Fortum, pour 480 millions d’euros, ainsi que la prise en charge d’un crédit d’un montant total de 8 milliards d’euros dû par le groupe à Fortum.
Singulier destin que celui d’Uniper, né en 2016 de la scission avec l’énergéticien allemand E.ON. L’idée était alors de séparer les activités liées aux énergies « traditionnelles », essentiellement le charbon et le gaz, appelées à décliner lentement, des activités dans les renouvelables et les services énergétiques, dont l’avenir était jugé plus prometteur.
Fortum, qui avait déboursé 7 milliards d’euros pour acquérir 78 % d’Uniper, peine aujourd’hui à trouver les mots pour décrire le fiasco que représente cet investissement. « Il est clair que nous ne pouvons pas être satisfaits de ce qui s’est passé », a concédé le patron, Markus Rauramo, mercredi. Le groupe est détenu à 51 % par l’Etat finnois.
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