Dans la brise d’automne de Chibougamau, François Legault a dressé son bilan de campagne. Une bonne campagne, dit-il, « la meilleure campagne pour répondre aux préoccupations des Québécois ».
À 24 heures du vote, il devrait plutôt remercier le ciel de faire face à une opposition aussi divisée. Celui qui n’avait qu’à récolter les fruits de son premier mandat aura plutôt réussi à semer des doutes sur le deuxième.
François Legault devait inspirer, il est devenu le choix par défaut.
Affronter
Continuons. Le slogan était pourtant bien choisi. Il misait sur la confiance qu’inspirait celui qui s’est déjà décrit comme le Père de la nation québécoise.
Toujours pragmatique, la CAQ a su offrir une solution passe-partout à la hausse du coût de la vie, un projet économique à la crise climatique. Bien campé au milieu, tout allait pour le mieux, jusqu’au jour où le chant des sirènes nationalistes a eu raison du plan de match.
Spectre de la violence immigrante, suicide de la nation, voilà que samedi, il a brandi le racisme !
« Des analystes » lui reprocheraient d’être raciste. Sous-entendu, les élites le jugent et le méprisent.
Jusqu’ici, polariser le débat identitaire l’a toujours bien servi. Cette campagne aura démontré les limites de sa stratégie.
Son ton agressif, divisif a servi de carburant à ses adversaires. Pas assez pour le défaire. Mais certainement assez pour consolider leurs appuis si fragiles à la fin de l’été.
Sauver les meubles
François Legault l’a souvent répété : « La fierté sans prospérité ça manque de moyens. La prospérité sans fierté ça manque de sens ».
Or ses dérapages sur l’immigration ont fragilisé l’argumentaire.
La fierté qui stigmatise les nouveaux arrivants, la fierté qui nourrit les pires préjugés comme l’a fait le ministre Jean Boulet, la fierté qui compare le Québec aux banlieues parisiennes, cette fierté a semé un malaise.
Ce malaise, les adversaires de la CAQ s’en sont saisis.
Ce n’est pas pour rien que Dominique Anglade martèle que François Legault a entaché la réputation du Québec avec son nationalisme. Elle ne s’adresse plus aux francophones qui lui ont échappé. Elle consolide ce qui reste de sa base montréalaise, celle qui croit encore à une nation québécoise forte et diversifiée.
Quant au chef du Parti Québécois, son ton affable et respectueux et son idéalisme ont rappelé que la fierté pouvait être heureuse et positive.
La traversée du désert des vieux partis est loin d’être terminée. Mais la campagne divisive de François Legault leur aura offert une oasis au bon moment pour espérer survivre et se reconstruire.
Finalement, les vieilles lignes de faille québécoises demeurent, compliquant ainsi la tâche des nouveaux partis.
Québec solidaire se professionnalise, mais les doutes subsistent au sein de la classe moyenne. Le parti conservateur s’est essoufflé.
Le fruit du changement ne semble pas mûr.
Pour la CAQ de François Legault, diviser pour régner n’aura jamais été aussi vrai.