Un sentiment d’écœurement, de colère, et même de fatigue s’est emparé d’une certaine frange de la jeunesse – plutôt diplômée et engagée pour le climat –, à l’approche de la Coupe du monde qui se déroulera au Qatar, du 20 novembre au 18 décembre prochain. Supporteurs d’équipes de foot, joueurs réguliers, simples passionnés par les communions sportives, militants engagés pour le climat… de nombreux jeunes se sentent « dégoûtés » par cet événement entaché par les scandales des travailleurs morts sur les chantiers, par l’aberration écologique de la construction de stades climatisés en plein désert, par les droits des femmes et des minorités bafoués, ou encore les navettes quotidiennes en avion pour loger les supporters dans les autres pays du Golfe.
Ces membres de la génération Z – nés au début des années 2000 – se souviennent avec bonheur de la victoire de l’équipe de France en Russie en 2018. Les premiers émois d’Inès, 16 ans, remontent à l’enfance. Avec son père, elle jouait au foot dans le jardin, puis elle est devenue supportrice du club adoré de sa ville, le FC Metz. Lors de la dernière Coupe du monde, elle est descendue dans la rue avec ses parents. Depuis 2020, la jeune fille joue en club, deux entraînements et un match par semaine. Mais une autre ferveur l’habite aussi : les grèves scolaires pour le climat, lancées par l’activiste suédoise Greta Thunberg. Ces deux passions lui semblent désormais de plus en plus difficiles à concilier. « On ne peut pas fermer les yeux sur les milliers de gens qui sont morts pour construire ces stades, ni sur les modes de vie des footballeurs qui sont à des années-lumière de la sobriété qu’on nous demande et qu’on s’impose. On ne peut pas cautionner ça », s’indigne la jeune fille, qui s’est engagée dans le mouvement de grèves pour le climat Fridays for Future et qui assure qu’elle boycottera la compétition.
Les données manquent pour quantifier le nombre de jeunes qui, comme elle, envisagent un boycott de la Coupe du monde du Qatar. A n’en pas douter, ils seront minoritaires, juge Vincent Tiberj, sociologue, professeur à Sciences Po Bordeaux : « Néanmoins, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une petite musique qui monte et vient interroger cet événement. Pendant longtemps, le sport et a fortiori le football étaient dépolitisés. La politique, c’est ce qui divise, le foot, c’est qui permet de communier. Les centres de gravité sont en train de bouger. Tout un pan de la jeunesse converge sur les questions de justice climatique et d’inégalités sociales et de genre. »
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