Pas un jour où de jeunes activistes ne réalisent des opérations spectaculaires, bloquant la circulation ou investissant des lieux symboliques, selon eux, de l’urgence climatique. Provoquant aussi de fait l’intervention des forces de l’ordre, qui doivent s’adapter à cette fréquence et à la multiplication des cibles. « L’éco-activisme est très varié. Il existe une frange non violente que l’on retrouve quasiment tous les jours sur Paris actuellement et nous devons faire attention à ce que notre réponse reste proportionnée », affirme le commissaire divisionnaire Olivier Bagousse, chef de la délégation des CRS de l’agglomération parisienne.
Il n’empêche, s’indignent les activistes – dont beaucoup font leurs premiers pas militants –, la répression est rude. Les gardes à vue s’enchaînent : douze, voire vingt heures ou plus dans certains cas. Une stratégie qui viserait à décourager les moins aguerris. Les militants sont donc préparés à la perspective d’être embarqués, d’autant plus qu’ils ne cherchent pas à fuir et agissent à visage découvert.
Pour Marie Dosé, avocate au barreau de Paris qui défend souvent ces activistes, notamment ceux de Greenpeace, « on assiste bien à une judiciarisation accrue très souvent inadaptée, d’autant que ces actions ne constituent pas d’infraction délictuelle et relèvent de la contravention plus que de la correctionnelle ».
« Radicalisation »
Dans une étude à paraître à l’occasion d’une table ronde, « Désobéissance environnementale et répression de l’activisme », qui se déroulera le 22 novembre, à Paris, les auteurs ont étudié le sort réservé à cette désobéissance par les tribunaux. Selon ces universitaires de l’Ecole de droit de Sciences Po, « les poursuites sont de plus en plus fréquentes pour des faits mineurs », comme des tags ou de l’affichage, de même que « les gardes à vue pour manifestation ». Les sanctions, financières y compris, seraient plus élevées. « Plonger une personne dans un processus judiciaire assez long est une charge psychologique individuelle forte, de nature à décourager l’engagement », résume Aurélien Bouayad, enseignant-chercheur, qui a coordonné l’étude.
Côté Etat, on tient à faire la distinction entre ces militants qui revendiquent la non-violence et des éléments plus expérimentés. « On constate de plus en plus une radicalisation de gens qui veulent passer à l’acte. Il y a une phase revendicative sympathique, mais derrière, on assiste à une récupération par des personnes beaucoup plus violentes, des militants plus radicaux, plus politiques, qui refusent l’autorité, et qui peuvent zapper facilement d’une lutte à l’autre », témoigne-t-on au ministère de l’intérieur.
« Le problème, c’est la coexistence entre cette frange non violente, mais déterminée, qui peut commettre des délits d’entrave, et les nouveaux “black blocs verts”, comme on l’a vu lors des affrontements à Sainte-Soline [lors d’une manifestation, le 29 octobre, contre une méga-bassine dans les Deux-Sèvres] », analyse Olivier Bagousse.
Face à cette recrudescence de l’activisme écologique, les autorités disent accroître le travail de renseignement : « L’idée, c’est de travailler sur des groupes, des individus, pour les empêcher de passer à l’acte », précise-t-on au ministère. Avec la crainte que ces mouvements dits « de basse intensité » se radicalisent. « Et cela va se compliquer avec la préparation des Jeux olympiques à Paris en 2024. »