Le mardi 4 avril 2023, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné cinq hommes et leurs entreprises à des peines allant jusqu’à 100 000 euros d’amende et un an de prison ferme suite à la mort de deux ouvriers inexpérimentés et employés non déclarés sur un chantier situé à Epinay-sur-Seine, Seine-Saint-Denis. Kamel Benstaali, le beau-frère de l’un des ouvriers décédés, était le seul membre de la famille des victimes à être présent pour l’annonce du verdict. Selon lui, cette condamnation est « un soulagement après ces quatre longues années ». Les personnes condamnées ont dix jours pour faire appel.
L’histoire remonte au samedi 8 juin 2019 lorsque Kamel Benstaali, 34 ans, et Omar Azzouz, 29 ans, travaillaient à la rénovation thermique de la tour D de la cité La Source. Ils travaillaient pour la société SRI, qui intervenait pour ISO Systèmes, pour le compte d’Isore Bâtiment, laquelle avait remporté le marché de la réhabilitation d’une partie de la cité de la Source pour plusieurs millions d’euros, une propriété de Plaine Commune Habitat. Pour charger les seaux de colle, les travailleurs utilisaient une plate-forme élévatrice, qui s’est décrochée du 18e étage dans la matinée, causant la mort des deux hommes.
Le procès, qui a eu lieu en janvier, a mis en évidence les rouages de la sous-traitance et la complexité de définir les responsabilités de chacun. Une plate-forme mal montée, des ouvriers pas formés, un contrôle inexistant, autant d’éléments qui ont contribué à ce que la procureure qualifie de drame de la sous-traitance. Chaque prévenu a donc nié sa responsabilité, considérant qu’elle était diluée, a déclaré la procureure Alix Bukulin.
Cependant, selon la présidente du tribunal, Elisabeth Dugré, sur les sept prévenus, deux seulement ont été relaxés. Gilbert Baptiste, qui travaillait pour Isore Bâtiment, pour lequel la procureure avait requis huit mois de prison avec sursis. La présidente a rappelé que c’était à Qualiconsult d’effectuer les vérifications et que l’entreprise, en sous-traitant à ISO Systèmes, n’était pas l’employeur des victimes. Thierry-Leufroy Emmanuel, qui travaillait pour ISO Systèmes, a également été relaxé puisque ses prérogatives n’ont pas été considérées comme suffisantes. En revanche, la société ISO Systèmes a été condamnée à 45 000 euros d’amende et son représentant, Vincent Baloche, à un an de prison avec sursis. M. Baloche a été reconnu coupable de travail dissimulé, mais relaxé en ce qui concerne le recours à la sous-traitance sans agrément.
La présidente a souligné que la société ISO Systèmes ne pouvait pas ignorer que SRI avait recours à du travail dissimulé étant donné le très faible coût de la main-d’œuvre de ladite société. M. Baloche, stoïque jusque-là, a vu ses épaules s’affaisser à l’annonce de sa peine. Cependant, deux hommes sont morts, et il y a des responsables. Les familles des victimes espèrent que cette condamnation servira de leçon aux entreprises qui accordent peu d’importance à la sécurité de leurs employés.