Champion du monde en 1982 alors qu’il faisait partie du célèbre Québec Air Force, Craig Clow est de retour 40 ans plus tard sur la grande scène puisqu’il s’est qualifié pour le prestigieux Ironman d’Hawaï, qui se déroulera demain.
Médaillé d’or au Mondial de Tignes, en France, en saut acrobatique, le Montréalais qui vit à La Malbaie, dans Charlevoix, depuis 1973, a obtenu son billet pour le Championnat mondial Ironman d’Hawaï en terminant deuxième de l’épreuve de Mont-Tremblant, disputée le 21 août.
Le vainqueur chez les 65-69 ans ne s’est pas prévalu de son laissez-passer et Clow n’a pas hésité une seconde à sauter sur l’occasion.
«Je n’y crois pas encore, même dans mes rêves, illustre l’athlète de 66 ans. C’est incroyable et j’ai des frissons quand j’en parle.»
La sélection de Clow est invraisemblable compte tenu de son histoire.
Après une décennie à parcourir le monde pour présenter des spectacles après sa retraite du circuit de la Coupe du monde, en 1984, le pionnier du ski acrobatique en compagnie des Yves LaRoche, Jean-Marc Rozon et Jean Corriveau, entre autres, a profité des douceurs de la vie et a délaissé l’entraînement.
«Il y a huit ans, j’ai éteint mon dernier cigare et commencé à nager, raconte-t-il. Je ne savais pas nager et j’étais incapable de faire une longueur à mes débuts, mais la natation a réveillé en moi le désir de me remettre en forme. Je n’avais pas de vélo et je ne savais pas courir. Je partais de zéro.»
L’Ironman comporte 3,8 km de natation, 180,2 km de vélo et 42,2 km de course, qui représentent la distance d’un marathon.
Coup de foudre
Après six mois de natation, Clow a nagé 2,5 km au lac Nairne, à Saint-Aimé-des-Lacs, à l’occasion du triathlon de Charlevoix— en juillet 2014.
«C’était un défi important pour moi et c’est comme si je participais à mes premiers Jeux olympiques, souligne-t-il. Au triathlon, je voyais les enfants avec du feu dans les yeux. C’était formidable. J’ai participé à mon premier triathlon en 2015.»
Clow devait prendre part à son premier demi-Ironman en mars 2020 à Porto Rico, mais la COVID-19 a chamboulé ses plans.
«La course a été annulée, nous avons été confinés à notre hôtel sans possibilité de se rendre à la plage et nous avons réussi à prendre l’un des derniers vols en direction du Canada avant que les frontières ferment.»
L’ancien skieur acrobatique n’a pas baissé les bras.
«J’ai continué l’entraînement parce que tout aurait été perdu si j’avais arrêté, explique-t-il. Quand les compétitions ont repris, j’ai fait le Escape from Alcatraz en août 2020 et le demi-Ironman de Cozumel [au Mexique], en septembre. À San Francisco, l’eau était à 52 degrés Fahrenheit [11,11 °C], mais j’étais avantagé parce que j’étais habitué de m’entraîner dans le fleuve [Saint-Laurent].»
Le jour J
Le grand jour est arrivé en novembre 2021 quand Clow a pris le départ de son premier Ironman en Floride. Ça ne s’est toutefois pas passé comme il l’avait imaginé.
«J’ai été victime de bris mécaniques en vélo et je n’ai pas été en mesure de respecter la coupure. Ce fut une grosse déception. Je suis retourné à Porto Rico en mars dernier, j’ai fait le marathon d’Ottawa en mai et le triathlon de Charlevoix en juillet pour me préparer pour l’Ironman de Tremblant.»
Un coach expérimenté
Le 21 août, il s’élançait dans les Laurentides avec un seul objectif en tête.
«Je voulais simplement terminer la course. Le défi de me rendre à la ligne d’arrivée m’a poussé. Ce fut une journée parfaite et tous les astres se sont alignés pour moi. Je n’aurais pas réussi sans la présence de mon entraîneur Michel Gagné, qui me refilait des informations au cours du parcours et qui m’encourageait.»
Avec 14 Ironman à son actif et deux doubles, Gagné vivra lui aussi son premier Championnat mondial dans l’État américain d’Hawaï.
«Plus jeune, je n’ai jamais réussi à me qualifier et je n’en fais plus depuis quatre ans en raison d’une blessure à un tendon d’Achille.»
Des objectifs très élevés
Auteur d’un chrono de 14 h 51 min 58 s à Mont-Tremblant, Craig Clow estime qu’il peut faire mieux à Hawaï.
«À Tremblant, je voulais absolument terminer et j’ai été conservateur afin de me garder des réserves pour la fin de la course, explique-t-il. C’est facile à dire après la course, mais il me restait des réserves.»
Dans cette optique, Clow veut tout donner à Hawaï.
«Le plus important sera de faire la coupure après le vélo, mais je vais ouvrir les valves après si je réussis, illustre-t-il. Je ne vais garder aucune réserve.»
Adversaires de taille
Sur un parcours avec un dénivelé moins important, mais dans des conditions plus chaudes, l’ancien skieur acrobatique croit en lui.
«Je n’ai aucune chance de podium avec la présence d’athlètes de l’Australie, de l’Afrique et de la Norvège qui sont très forts, mais je veux terminer avec une certaine force et réussir un top 35 parmi les 65 participants de mon groupe d’âge. Mon objectif est de réussir un chrono de 12 h 51 min. Je fais ça pour la santé et le plaisir, mais je veux compétitionner.»
Prudence
Michel Gagné est beaucoup plus prudent.
«Le parcours n’a pas le même relief qu’à Tremblant, mais ce n’est pas plat comme en Floride et il y a un secteur de 50 km en vélo qui comporte des montées, précise l’entraîneur et ami de Clow. À Hawaï, le piège est de prédire la force du vent. C’est vrai qu’il a terminé avec des réserves à Tremblant, mais je pense qu’il va réussir un temps plus lent de 45 à 60 minutes en raison du vent et de la chaleur.»
Gagné est toutefois persuadé que son protégé possède les outils pour franchir la ligne d’arrivée.
«Je lui aurais dit de ne pas y aller si je n’avais pas cru en ses chances de terminer. Il n’a pas terminé sur les genoux à Tremblant et il est prêt pour Hawaï.»
Éviter les surprises
Conscient qu’il fera très chaud, Clow a recréé les mêmes conditions chez lui.
«J’ai fabriqué une tente de plastique dans laquelle j’utilise une chaufferette, explique l’ancien champion mondial de saut acrobatique. J’ai roulé sur mon vélo stationnaire à 38 degrés Celsius dans cette pièce pour que mon corps s’habitue. Sur YouTube, je regarde les courses tous les soirs pour éviter les surprises. Je suis arrivé une semaine avant la course pour m’habituer à la chaleur.»
«Tu n’es jamais trop vieux»
L’athlète québécois a découvert la natation à 58 ans
Craig Clow veut démontrer qu’il n’est jamais trop tard pour se lancer dans une nouvelle passion et pour relever un défi important.
Néophyte du triathlon et détaché de l’entraînement après sa carrière en ski acrobatique qui l’a conduit jusqu’au sommet de sa discipline en 1982, le Québécois s’est repris en main il y a huit ans.
«La réalité est que tu n’es jamais trop vieux pour recommencer à t’entraîner, résume l’athlète de 66 ans. J’ai arrêté de boire il y a 25 ans, mais je n’étais pas actif, me contentant de jouer au golf. J’avais besoin d’autre chose pour retrouver la forme et me pousser.»
Pratiquant la course à pied depuis l’âge de 18 ans, son entraîneur Michel Gagné est impressionné par sa détermination.
«Craig est un très bel exemple, souligne celui qui a participé à 14 Ironman depuis ses 47 ans. Réussir un temps de 14 h 51 min à ton premier Ironman à l’âge de 66 ans mérite le respect, encore plus dans le contexte de Craig, qui a débuté il y a seulement huit ans.»
Il partait de loin
Gagné se souvient des débuts de Clow, qui ne savait pas nager quand il s’est lancé dans le triathlon.
«À son premier triathlon, il avait nagé 2,2 km en compagnie de mon beau-père qui était âgé de plus de 60 ans, raconte-t-il. Ils étaient partis 20 minutes avant nous pour s’assurer qu’ils rentrent sensiblement dans les mêmes délais. Ça démontre comment il partait de loin. Son temps de 1 h 30 min à la natation à Tremblant est très respectable. Contrairement à certains qui veulent aller trop vite, Craig a franchi toutes les étapes. C’est l’opportunité d’une vie et Craig va tripper [au Mondial d’Hawaï].»
Discipline de fer
S’il a négligé sa santé après sa retraite du ski acrobatique, Clow respecte maintenant une discipline de fer.
«Il coche tous les éléments pour avoir une bonne préparation, indique Gagné, qui accompagnera Clow à Hawaï. Craig possède la ténacité, la volonté et il est passionné. Il n’a pas joué une fois au golf cet été pour se consacrer entièrement à son entraînement.»
Gagné estime qu’il s’agit d’un beau message pour les gens qui hésitent à se lancer dans le vide en raison de leur âge.
«Il n’y a pas d’âge pour débuter, affirme-t-il. Mon beau-père a appris à nager à 57 ans et il a participé au Ironman de Montréal à 65 ans. Dans un de mes trois groupes de natation, à Saint-Augustin-de-Desmaures, il y a une dame de 84 ans. Si vous voulez, vous pouvez.»
Comme le bon vin, Clow peut devenir meilleur au fil des ans, selon Gagné.
«Parce qu’il a débuté il y a seulement huit ans, il y a place à l’amélioration dans les trois sports. Ses articulations sont assez neuves et il a soigné ses vieilles blessures de ski acrobatique. Il va certainement essayer de se qualifier de nouveau dans le futur.»