Samedi 1er octobre à Ouagadougou, il s’en est fallu de peu pour qu’un des cauchemars des autorités françaises ne devienne réalité. Un cauchemar lentement instillé par la Russie et qui aurait probablement fait le bonheur de Vladimir Poutine, engagé depuis une dizaine d’années sur le continent africain dans une grande et multiple entreprise d’affrontements avec l’Europe en général, et la France en particulier.
Samedi, au Burkina Faso, l’issue du coup d’Etat lancé la veille par le capitaine Ibrahim Traoré (34 ans), et d’autres jeunes officiers mécontents, contre la junte installée depuis huit mois à la tête du pays, était encore incertaine. Les putschistes ont alors accusé la France d’offrir une protection à celui qu’ils avaient décidé de renverser, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, un « vétéran » âgé de 41 ans. Dans les rues de la capitale, des manifestants brandissant des drapeaux russes s’en sont alors pris aux symboles de la présence de l’ancienne puissance coloniale française : ambassade, lycée, Institut français, centre culturel, caserne Kamboinsin où stationnent des forces spéciales françaises engagées depuis 2013 dans la lutte antiterroriste au Sahel et qui, l’année suivante, avaient exfiltré l’ex-président renversé, Blaise Compaoré, un allié de longue date de Paris.
Construction d’un narratif
Et si la colère d’une population éreintée par les violences djihadistes au nord et à l’est du pays (2 000 morts, 10 % de la population déplacés) s’agrégeait à la lutte que les militaires se livrent ? Et que la situation dégénère en pillage de biens, voire de violences à l’encontre des quelque 3 000 Français vivant dans la capitale ? Le tout sous le regard lointain, mais très intéressé, de Moscou ? Depuis des mois, la Russie souffle, par le biais des réseaux sociaux et de quelques bataillons d’activistes, sur les braises des ressentiments antifrançais qui, au Burkina Faso comme au Mali voisin, couvent depuis leurs indépendances respectives, il y a plus de soixante ans. « Notre priorité, pendant les premières quarante-huit heures, a été de délivrer un double message. Premièrement, la France ne prend pas parti dans une crise interne burkinabée et, deuxièmement, la ligne rouge à ne pas franchir est la sécurité de nos ressortissants, relate une source officielle française. Heureusement, l’agenda des militaires burkinabés ne s’est pas joint à celui des mouvements prorusses antifrançais, le calme est vite revenu. »
Le pire a été évité mais les images de l’ambassade attaquée et de l’Institut français vandalisé sont autant de signes manifestes d’animosité envers la France. En parallèle avec une influence croissante de Moscou ? Lorsque les putschistes menés par le capitaine Ibrahim Traoré ont finalement emporté la mise, leur chef a déclaré, sur Radio France internationale : « La Russie est un Etat comme les autres. On est déjà en partenariat, comme vous pouvez le constater. » Si les drapeaux russes brandis dans les rues de la capitale étaient flambant neufs, « nous n’avons pas relevé de trace d’implication russe, directe, dans ce coup de force », se rassure le diplomate.
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